""Le Médecin de Famille", le film comme le personnage, est ambigu. Logique. Logique puisque réalité historique et fiction sont ici mélangées (plutôt bien). Logique puisque le Mal, sujet principal du film, est ambigu. Et son incarnation aussi, forcément. La réalisatrice Lucia Puenzo choisit habilement de nous présenter l'ange de la mort, tel qu'il était surnommé, loin des stéréotypes de méchant utilisés dans d'autres films de fiction dans lesquels le personnage de Mengele apparaît ("Ces Enfants qui Venaient du Brésil", par exemple). Dans "Le Médecin de Famille", Mengele (Axel Brendemühl, pas mal) change constamment d'apparence, tout étant dans le regard des autres personnages et dans la façon dont ils le jaugent et le jugent : médecin louche et intrusif pour le père de la famille qui le loge, séduisant symbole d'espoir pour la mère et la fille de cette famille, criminel de masse devant répondre de ses actes horribles pour l'agent du Mossad qui l'identifie, mythe vivant du nazisme pour les nostalgiques du IIIème Reich parsemés dans l'Argentine des années 60 et organisés en réseau actif d'aide aux fuyards (Mengele, donc, mais aussi Eichmann ou encore Erich Priebke, mort il y a quelques semaines, bourreau des fosses ardéatines à Rome et ancien notable de la ville de Bariloche où se déroule l'action du film). Ce n'est qu'à la fin de l'intrigue, déroulée comme un thriller, que tous ces caractères se rejoignent, le docteur dévoué et avide d'aider une jeune fille à résoudre son problème de croissance et une femme enceinte à mettre au monde des jumeaux dans de bonnes conditions se démasquant enfin comme l'ignoble expérimentateur qu'il n'a jamais cessé d'être, se servant de cobayes humains vivants pour ses recherches obsessionnelles sur la pureté physique. L'histoire est vue à hauteur d'enfant, une enfant en train de grandir (dans tous les sens du terme), mais jamais Lucia Puenzo n'infantilise le spectateur. On n'en appréciera donc que d'avantage sa réalisation tout en retenue. Attention quand même à un symbolisme parfois trop appuyé : les poupées ("Figuren" en allemand, terme employé par les SS dans les camps pour désigner les cadavres de leurs victimes juives) fabriquées artisanalement par le père de famille argentin et dont la production est industrialisée par l'entremise du "génie" allemand, soit une allusion directe à l'évolution de la Shoah, des exécutions par balles aux camps d'extermination. Un bien beau film quand même, superbement photographié.