Lucie, dite Lulu (une Karin Viard magnifique), a oublié qu'elle vivait, qu'elle existait, étiolée, vampirisée, coincée entre son mari garagiste et ses trois enfants ; maintenant qu'ils ont grandi, elle voudrait recommencer à travailler. Pas facile, à quarante ans ! Elle quitte donc son village pour postuler un emploi de secrétaire à Saint-Gilles-Croix-de-vie : l'entretien d'embauche se passe mal, elle est jugée morne, mal habillée, « on garde votre dossier sous le coude, on vous rappellera s'il y a quelque chose ». Elle téléphone à son mari avant de reprendre le train, et s'entend répondre : « Je te l'avais bien dit, j'en étais sûr, mais tu veux toujours faire ton intéressante ! » Après réflexion, elle ne prend plus le train mais une chambre à l'hôtel. Elle se promène sur la côte et semble ressusciter au grand air, à la lumière, fouettée par le vent. Elle savoure un temps suspendu, sans obligations domestiques.
Je n'en dis pas plus : j'ai beaucoup ri, j'ai été ému jusqu'aux larmes et je me suis dit que tout de même, c'est bon de s'offrir de temps à autre une parenthèse dans sa vie ! On est à cent lieues de Elle s'en va, film médiocre avec Catherine Deneuve, sorti l'an dernier, sur un sujet voisin. Ici, tout sonne juste, vrai, chaleureux, et en même temps optimiste : une femme renaît, qui s'est dépouillée de son rôle social (épouse, mère). Une femme nue qui plonge dans la mer, sous les yeux effarés de sa sœur venue la semoncer et qui repart éblouie par cette liberté reconquise. En quelque sorte, le récit d'une émancipation : à noter, j'étais le seul homme dans une salle remplie de spectatrices ; j'en étais fier !