Présenté en compétition pour la Caméra d'or à la Sélection de la Quinzaine des réalisateurs, « La Fille du 14 juillet », premier long métrage d'Antonin Peretjatko, a amplement divisé la croisette.
Auréolé d'un statut de « maillon absurde pour le cinéma français » chez les uns, qualifié de « mille-feuille d'images sans fond » chez les autres. Sa sortie en salles mercredi 5 juin 2013 est l'occasion de se forger sa propre opinion.
Synopsis : Hector qui a rencontré Truquette au Louvre le 14 juillet, n'a qu'une préoccupation : séduire cette fille qui l'obsède. Le meilleur moyen, c'est encore de foncer l'emmener voir la mer et Pator ne saurait lui donner tort, surtout si elle est accompagnée de sa copine Charlotte....
Flanqués de l'inévitable Bertier, ils empruntent les petites routes de France dont les caisses sont vides. Car c'est la crise ! Il faut remettre la France au boulot et, en plein été, le gouvernement décide d'avancer la rentrée d'un mois. Un chamboule-tout et quelques liasses de billets plus tard, le groupe se disloque à l'image d'une France coupée en deux, entre juillettistes et aoûtiens jaloux. Mais rouler en sens inverse du travail n'effraie pas trop le trio restant, bien décidé à retrouver La Fille du 14 juillet et à vivre un été débraillé.
Antonin Peretjatko aime Bruno Podalydès. Si son road movie politisé s'avère effectivement assez hilarant et débraillé par moments comme le sont généralement les long métrages du cinéaste es bourgeoisie, nous sommes parfois stupéfiés face à l'accumulation déconcertante d'autant de non-spontanéité dans la gestion de l'absurdité.
Directement inspiré par une tripotée de metteurs en scène cultes, Godard (« A bout de souffle »), Max Pecas, Jean-Pierre Mocky, Jacques Tati, « Dikkenek », Artus de Penguern, Les Deschiens, Albert Dupontel, James Huth, le tandem Kervern & Délépine et consors, Antonin Peretjatko, auteur de plusieurs court métrages ahurissants ces dix dernières années et crédité également ici comme scénariste, balance, en effet, dans sa comédie burlesque des bizarreries parfois vraiment trop sophistiqués pour convaincre.
Ainsi la partie d'échecs à même le sol, l'âge de la statue au musée, la proposition de départ en vacances auprès de jolies demoiselles, les meurtres au shotgun en pleine rue, le manuel de séduction, les boîtes de conserve avec têtes de politiciens, la soupe de cheval, la bouteille de whisky en forme de livre, le bras coupé par la guillotine, le déguisement de cloporte du gamin, les balles en chloroforme, le gars habillé en lion en peluche au beau milieu de la forêt ... sont autant d'artifices de l'extravagance affichée d'Antonin Peretjatko pour séduire. Carambolage formaliste et barré certes, mais pâle copie de l'âge d'or français (les comédies des années 70) aisément décelable pour l'œil affûté, et pernicieuse volonté de faire gol-ri le spectateur.
Attention néanmoins! Le niveau de « La Fille du 14 juillet » reste largement au-dessus des boutades conventionnelles actuelles – « Boule & Bill », « Pas très normales activités » et autre « Vive la France ».
Pour plusieurs raisons : la première, évidente, se trouve cristallisée dans la mise en scène tout à fait élégante et esthétique grâce au grain éclatant du 16 mm de la caméra, qui traduit à merveille l'environnement politico-social – une resucée de mai 68 – dans lequel évolue les personnages. Pas mal également le jeu des couleurs avec les éblouissantes robes des jeunes dames (du bleu & du rose saumon) en contraste avec le climat grisâtre parisien. De même, le blanc de l'auto confondue avec la nacré des éoliennes.
La seconde réside essentiellement dans la toile de fond tissée par Antonin Peretjatko. Le sujet, plutôt facile en apparence, de la « France au bord du précipice » permet au réalisateur d'offrir son point de vue sur tout cela, grâce notamment aux injonctions de personnages anecdotiques, à sa vision optimiste de l'avenir, cf les différents remèdes proposés pour lutter contre la crise : les flots de champagne (trouvés chez Gatsby?), l'Amour et la liberté, car c'est bien de liberté et d'Amour dont il est question avec l'absurdité de « La Fille du 14 juillet ».
Au-delà du simple road movie, Antonin Peretjatko dresse une magnifique histoire d'Amour entre une femme belle et solaire (Vimala Pons, vue dans « Adieu Berthe » de Bruno Podalydès l'an dernier ou dans « Enfermés dehors » de Dupontel en 2006), et un homme (Grégoire Tachnakian, retenez bien ce nom) prêt à traverser la France en voiture pour elle. Les autres protagonistes ne sont pas en reste : Vincent Macaigne – un acteur / réalisateur issu du théâtre – campe Pastor, le faux-médecin hirsute amoureux de Charlotte (Marie-Lorna Vaconsin). Tous les quatre se révèlent plus qu'excellents dans leurs interprétations, à la fois marginales et construites. Chapeau aussi à quelques personnages secondaires vraiment poilants, du complètement loufoque Dr Placenta, incarné par un Serge Trinquecoste aux pitreries hors norme, au gérant de la casse converti prêteur sur gages à l'accent prononcé.
Bilan : Antonin Peretjatko fait feu de tout bois avec sa première œuvre cinématographique « La Fille du 14 juillet ». S'il s'avère parfois un peu trop idéaliste et influencé par le passé, le réalisateur français propose néanmoins avec une certaine intelligence l'humour absurde et le slogan hédoniste « c'est la crise, partez en vacances » comme antidotes du marasme économique actuel. Et si nous l'entendions ?