L'enfance rugueuse de Jodorowski à Tocopilla, un patelin âpre du bout du monde. La narration est étonnante, violente et crue ou cruelle, mélange hyperréaliste et onirique, les sardines sur la plage, les oiseaux et les villageois qui se les disputent, l'enfant qui doit prouver à son père qu'il est dur au mal pour être un homme et mériter son amour, l'improbable boutique "Ukrainia", l'incroyable, fascinante, envoûtante procession des lépreux, les chaussures rouges, le petit cireur, le petit Juif à la plage, le militantisme du père, la mère, puissante et soumise, fleuve d'amour tout puissant, le cabaret, les pompiers, la guérison du père, le concours de chiens, le cheval Bucéphale, la disgraciée du bidonville, la peur de l'obscurité, l'humanité du menuisier Joseph, les fascistes... Jodorowski nous envoie à la figure le cirque de la vie en une kyrielle de séances hallucinées, puissantes, marquantes, elles éclosent comme des flashes, libèrent un flot d'émotions -amour, peur, douleur, colère, compassion, solitude- et de couleurs et s'évanouissent comme dans un rêve. Comme s'évanouit Tocopilla dans la dernière scène. Magnifique "va, vis et deviens".