Pour son premier long métrage, le canadien Jason Buxton a choisi de décrire la spirale infernale pénitentiaire dans laquelle sombre un jeune adolescent psychiquement torturé, en proie à l’hostilité d’une communauté urbaine, avide de boucs émissaires.
Synopsis Allociné : Sean, adolescent tourmenté, est rejeté par les élèves du collège de sa petite ville canadienne. Isolé et mal dans sa peau, il se sert d’Internet comme exutoire et imagine des scénarii de vengeance virtuels. Alertée, la police fait irruption dans la maison où elle trouve les armes de chasse de son père. Accusé de planifier un crime, Sean va devoir faire face à l’hostilité de la communauté et affronter une machine judiciaire obsédée par le principe de précaution.
« La Chasse ». Oui, en voyant « Blackbird », on pense bien évidemment au drame cannois de Thomas Vinterberg, et cette terrible histoire d’enseignant danois (Mads Mikkelsen) accusé à tort de pédophilie par une petite fille aux sacrosaintes paroles intouchables.
Ici, Sean, l’adolescent tourmenté, est violemment accusé d’avoir délibérément planifié un crime. Indignation et douleur sont les mots d’ordre de Jason Buxton, qui, soutenu par une écriture lente, majestueuse, sobre et silencieuse, navigue sur une corde entre le cérébral et le viscéral, ne tombe jamais dans le piège facile du mélodrame, du pathos et des stéréotypes, et s’engage in fine radicalement dans les processus de comparution d’une « machine judiciaire obsédée par le principe de précaution ».
Jason Buxton porte également le mérite d’avoir révélé au monde un acteur talentueux, un Grand en devenir, en la personne de Connor Jessup, qui tient « Blackbird » sur ses épaules comme un chef, grâce à sa maturité et son jeu tout en nuances.
Même si l’on pouvait aisément reprocher à Jason Buxton de semer trop rapidement des indices sur la bonté de Sean, incapable par exemple d’abattre de sang froid un daim, le bougre se rattrape largement avec le reste des festivités, et notamment sur toutes les séquences carcérales, filmées avec une sincérité poignante, rappelant la naïveté d’« American History X », autre premier coup de maître d’un jeune réalisateur (Tony Kaye), ou la violence de Dog Pound.
Aux côtés de Connor Jessup, Alexia Fast, la Sandy de « Jack Reacher », incarne avec brio la muse de l’adolescent mal dans sa peau, la belle Deanna, source de son bonheur et de son malheur, « celle qu’il ne doit pas approcher à plus de cent mètres à sa sortie ».
Si la caméra de Jason Buxton épouse le point de vue de Sean afin d’empathiser, elle ne délaisse pas pour autant les personnages secondaires, tous interprétés remarquablement par des comédiens pour la plupart inconnus (les prisonniers), qui ont leur chance tour à tour d’exister, de partager, d’être désireux et compris.
De ses événements, on retiendra enfin la puissance de feu des mots de Sean prononcés à son père dans un élan de rage, lorsqu’il évoque l’emprisonnement symbolique qu’on lui propose à sa sortie de prison, davantage nocif que l’internement réel.
Si « Blackbird » a tout du film prometteur, il n’échappe cependant pas à l’imperfection, facilement pardonnable, des « premiers » films, avec cette spontanéité qui devient corrosive par moments, marquée par cette volonté de vouloir parfois trop en dire et/ou trop en mettre.
Bilan : « Blackbird » est une perle cinématographique, un premier long métrage qui frappe l’inconscient collectif d’un coup de masse sur la question de la stigmatisation des adolescents marginaux par leurs pairs, un peu à la manière d’un Gus Van Sant, ou de « Bowling for Columbine », puis qui s’interroge ensuite sur les failles du système judiciaire américain. Jason Buxton, réalisateur à suivre de près. Connor Jessup, révélation.