«La Naissance des Pieuvres» l’avait fait connaître, «Tomboy» l’avait mis sur l’avant-scène. Il y a peu de risque à parier que «Bande de Filles» soit le film qui consacre publiquement Céline Sciamma.
Après l’accueil très chaleureux fait à Cannes l’année dernière, la curiosité et l’attente étaient au rendez-vous. Si sur le fond, la trame est relativement juste, c’est versant mise en scène que la réalisatrice semble avoir passé un cap.
Le sujet, délicat, mais emprunt aux stéréotypes, était un peu risqué, sinon casse gueule, et la réalisatrice malgré tout son savoir-faire n’échappe pas à certains raccourcis. La vie dans les cités, même si reflet d’une réalité, n’est pas forcément définie par un catalogue de fantasmes germanopratins, c’est-à-dire dépeint de violence physique nécessaire entre groupes de filles, squat obligatoire du parvis de la Défense... C’est sur cet aspect que le filme interroge. Sous sa couverture d’une fiction réalité, la réalisatrice s’est cantonnée à ne présenter que les clichés qui composent la vie quotidienne de « sa » bande de filles. La manière est radieuse, superbe mise en scène, mais le fond est plus discutable.
(...)On sent cependant tout l’affecte que Céline Sciamma porte à son personnage principal, dont Karidja Touré livre une interprétation magnétique. (...)
Mais la force de «Bande de filles» se trouve ailleurs, dans la mise en scène, dans l’intégralité de ses cadres et du montage, comme l’importance d’une photo toujours parfaite qu’entoure une bande son (de Para One) envoutante.
«Bande de filles» n’est pas forcément le chef d’œuvre annoncé mais reste un film d’une force brute dans sa première moitié, qui s’étire un peu dans une seconde partie. On retient tout de même sa force viscérale, son côté abrupte et vertigineux, d’un regard porté non pas sur une bande mais sur une fille de notre époque. En témoigne un dernier plan, probablement le plus fort du film, qui dans un silence mesuré et une lenteur de mouvement, résume le off invisible après le générique fin.