Je ne suis pas allé le voir à sa sortie, j'avais des a-prioris, je flairais le naufrage. Ressorti en salles par Telerama, j'ai voulu quand même me faire ma propre idée plutôt que d'en dire du mal sans l'avoir vu. J'en suis sorti mi-furieux, mi-euphorique. Malgré le supplice subit, démolir cette horreur sera un vrai plaisir. Voilà le topo : le fonds d'aide de la Région Ile-de-France vous présente sa nouvelle production, tournée par les élèves d'une classe de seconde de la Courneuve, lors d'un atelier animé par une spécialiste de la crise d'adolescence, Céline Sciamma. Inspiré par les meilleures séries d'Azoulay et Berda ("Les musclés", "Hélène et les garçons", "Premiers baisers"), "Bande de filles" suit l'initiation de Vic (oui, comme dans "La Boum") qui passe de l'adolescence insouciante et dansante à l'austère âge adulte dans le dur monde de la banlieue black-beur - très original ! Ce n'est pas tout. Révoltant dans la forme, le programme du film pourrait se résumer à : "Céline Sciamma au zoo", mais c'est sûrement inconscient, ne lui faisons pas de mauvais procès. Totalement fascinée par ses actrices, dont elle oublie de faire des personnages, elle se contente de les exhiber avec complaisance comme des animaux savants, tout en les maltraitant (c'est la règle du dressage), soit qu'elle les laisse (très mal) improviser en roue libre avec 3 mots de vocabulaire, soit qu'elle leur impose d'ânonner par cœur ses propres dialogues lamentables avec l'air inspiré d'élèves de 1ère année au Cours Florent ;
le clou étant la tirade sur le "moment parfait à Disneyland" qui m'a arraché un fou rire nerveux.
Sciamma n'a rien à dire sur la jeunesse ou la banlieue, elle se contente de la fantasmer dans son coin, de façonner des digressions futiles sur des archétypes et des clichés - les grands-frères tyranniques, les parents dépassés, la violence omniprésente - jusqu'à un éloge complaisant de la sauvagerie, mais sans l'énergie puissante et imaginative d'un Larry Clark, ou la légitimité quasi-documentaire d'un Rachid Djaïdani ("Rengaine"). Pour couronner le tout, sa mise en scène reste collée au sol, plate, froide comme un Dardenne surgelé, tout juste pimentée de quelques clips poussifs sur la musique de Para One, et la fameuse scène sur "Diamonds in the sky", totalement gratuite, située dans une chambre d'hôtel improbable, mais qui permet de se souvenir que c'est un sacré bon morceau.