Un homme marqué par un lourd trauma et qui retrouve son appartement occupé par une charmante inconnue, étudiante en anthropologie, lorsqu’il rentre de clinique, une mystérieuse organisation para-gouvernementale qui n’hésite pas à éliminer ses agents lorsqu’ils ne sont plus en état de travailler, des hommes retrouvés morts après avoir reçu des menaces en araméen… Tels sont quelques uns des ingrédients très variés de ce film.
Le scénario n’est finalement pas si difficile à suivre mais il est bancal. Il mélange deux trames narratives : l’une propre au cinéma paranoïaque des années 70 à base d’organisations bureaucratiques tentaculaires et malfaisantes, l’autre se rattache au film criminel avec la recherche d’un serial killer. À mi-parcours, le film abandonne totalement la première trame au profit de la seconde.
Malgré cette histoire un peu biscornue, j’ai pris un grand plaisir au visionnage de ce film à cause de sa mise en scène et de son interprétation, toutes deux de grande qualité.
En 1979, lorsqu’il se voit convier la mise en scène de « Last embrace » traduit en français par « Meurtres en cascade », Jonathan Demme n’est pas encore le cinéaste reconnu du « Silence des agneaux », mais il vient de terminer ses années de formation au sein de la société de production de Roger Corman (le pape de la série B des années 60 au début des années 70) où il a réalisé plusieurs films de genre à petit budget (femmes en prison, gangsters...).
Pour le film qui nous intéresse ici, Demme a bénéficié de beaucoup plus de moyens, mais il n’abandonne pas pour autant le cinéma de genre puisqu’il signe un thriller en hommage évident à Alfred Hitchcock, comme en faisait, à la même époque, Brian de Palma. Les références au « maître du suspense » sont très nombreuses. Parmi celles-ci, les plus évidentes sont : « Sueurs froides » pour la lutte dans le clocher de l’université, « Le crime était presque parfait » lorsque le réalisateur signe une scène d’amour comme une scène de meurtre (les ciseaux posés sur un bureau), « La mort aux trousses» pour la « dernière étreinte » aux chutes du Niagara. Par ailleurs, Demme, fait, comme Hitchcock, une apparition dans son film habillé en prêtre, dans la scène du train lorsque le héros tente de démasquer un poursuivant.
La mise en scène de Jonathan Demme, pour cet exercice de style, est constamment maîtrisée, fluide et élégante.
La puissante musique symphonique, aux tonalités très années cinquante, qui accompagne le film a été confiée au vétéran Miklos Rozsa dont ce fût une des dernières compositions pour le cinéma.
Les deux acteurs principaux sont très investis dans leur rôle. Roy Scheider, sous une menace constante dans le film, est tendu, inquiet, sur ses gardes, le professionnel qu’il interprète est toujours à la limite de la perte de maîtrise. Enfin, Demme, dans ses films, a toujours offert aux femmes de beaux rôles (Melanie Griffith dans l’excellent « Dangereuse sous tous rapports » ou Jodie Foster dans « Le silence des agneaux »). Janet Margolin, dont c’est le seul rôle au cinéma en vedette (elle a plutôt tourné à la télévision et est décédée jeune), est, ici, convaincante et troublante (ah, l’utilisation du rouge à lèvre) dans le rôle d’une femme
à la personnalité multiple.
Ce film, inédit dans les salles en France (on se demande bien pourquoi au vu de sa qualité), produit chez le spectateur l’effet recherché par tout divertissement hitchcockien : de la fascination.