Après l' échec commercial de Fantasia et malgré la qualité exceptionnelle de ses films, Walt Disney se rendit compte qu'il devait restreindre ses ambitions en adoptant, comme seule solution, de produire des films avec des budgets raisonnables sur des délais très courts afin d'obtenir les fonds nécessaires et suffisants pour ses futurs films.
À l'époque les studios Disney traversèrent, du jour au lendemain, une période très sombre de leur histoire (la Seconde Guerre mondiale qui faisait rage en Europe bloquait les revenus, problèmes financiers, réductions des salaires, licenciements qui amenèrent à une grève des studios...).
C'est dans cette atmosphère difficile que débuta la production de Dumbo (1941) réalisé par Ben Sharpsteen, basée sur l'histoire enfantine éponyme écrite par Helen Aberson et Harold Pearl en 1939, nous racontant l'histoire d'un éléphanteau muni de grandes oreilles et rejeté par la plupart des êtres qui l'entourent; il trouvera son salut en découvrant que ses dernières peuvent le faire voler et de devenir célèbre. Ce quatrième long métrage animé est avant tout d'une simplicité incroyable, que ce soit dans l'adaptation du scénario par Joe Grant et Dick Huemer ou dans le grand retour à une animation plus simple aux dessins caricaturaux, Walt se devait de repasser par là et ça marche. L'univers cartoon s'inscrit dans la lignée du savoir-faire des artistes des studios Disney, largement développé dans leurs courts métrages, ce qui convenait parfaitement à certains animateurs qui sans sont visiblement donnés à cœur joie tout en nous apportant un florilège d'émotions. Dumbo, animé par Vladimir Tytla, est le personnage principal et porte en grande partie le film. À la fois touchant, naïf mais terriblement attachant, il parvient à nous émouvoir dés la première image où nous le voyons et de plus, comme Simplet, il ne parle jamais et fait retransmettre ses émotions uniquement par les gestes et le regard. Bizarrement, il n'est jamais le véritable centre d’intérêt qui est celui du reste du Monde dans lequel il évolue : celui du cirque (Mr. Loyal, les clowns, etc...) et des animaux (les éléphantes...), un univers totalement hostile qu'il doit subir au seul motif de sa différence : ses grandes oreilles et ce qui permet de facilement s'identifier à lui avec un capital sympathie extraordinaire. Cette sympathie est renforcée par le personnage de la souris Timothée, animée par Wolfgang Reitherman, qui est son seul ami et l'accepte sans aucun préjugé devenant avec Dumbo le nouveau duo héroïque du film. Le film comporte beaucoup de séquences mémorables : la plus étonnante, dirigée par Norman Ferguson, est celle où Dumbo et Timothée sont ivres et rêvent dans ''La Marche des éléphants" à la fois colorée, dérangeante, étrange et effrayante avec des clins d’œil aux œuvres surréalistes de Salvador Dali, cette séquence qui peut être complètement inutile au reste de l'intrigue est tout simplement brillante en décrivant les ravages de l'alcool à travers notre imagination; la berceuse ''Mon tout petit" retransmet parfaitement la relation entre Dumbo et sa mère avec une charge émotionnelle intense et les scènes hilarantes avec les corbeaux animés par Ward Kimball et la chanson référence du film très jazzy ''Si je vois voler un éléphant'', composée par Oliver Wallace et Frank Churchill (oscarisés pour la partition musicale), est vraiment très rythmée, entrainante et réussie
(je conseille de regarder le film avec la VF de 1947^^).
J'attribue une mention spéciale à Casey Junior, le petit train forain avec son design très cartoonesque (le moment où il doit grimper difficilement une pente très raide : "Si, j'y arriverai ! Ça y est, je l'ai fait !" est tous simplement énorme^^) qui s'offre son moment de gloire avec sa propre chanson. Avec Dumbo, Disney revient à la narration traditionnelle, à la fois simple et facile malgré sa durée qui en fait le plus court long métrage de Disney, tous les ingrédients sont là pour un excellent divertissement. Dumbo ou comment faire un magnifique dessin animé riche et dense avec un budget réduit au maximum ? Walt Disney l'a fait. Chef-d’œuvre !