Après de fabuleux Adieux à la reine, Benoit Jacquot continue de nous montrer qu’il est devenu une des valeurs sûre du cinéma d’auteur français. Son dernier film, 3 cœurs, en est une nouvelle preuve, nous vous donnons notre avis à son sujet.
Dès les premières notes de la formidable musique composée par Bruno Coulais, le décor est désormais planté : nous ne sommes pas là pour nous amuser ! Le ton est grave, lourd, pesant, oppressant même. Ce qu’il y a de superbe avec le cinéma et c’est même là son essence, c’est qu’avec une histoire donnée, un cinéaste peut vous conduire dans 1001 directions différentes. Le pitch de 3 cœurs, aurait pu, dans les mains d’un Billy Wilder ou d’un Ernst Lubitsch, devenir une comédie drôle aux accents burlesques. Nous assisterons ici à un mélodrame fidèle aux codes du genre tout en étant très personnel.
Marc (Benoit Poelevoord) est un quadra, contrôleur des impôts, monsieur-tout-le-monde juste ce qu’il faut de névrosé. En déplacement professionnel en province, il fait la rencontre de Sylvie (Charlotte Gainsbourg). Il leur suffira d’une nuit d’errance à arpenter le pavé pour tomber fou l’un de l’autre. Rendez-vous est désormais donné une semaine plus tard pour se revoir. Le rendez-vous n’aura pas lieu et l’idylle s’envolera. Le film entre dans une nouvelle phase quand Marc s’éprend (puis se marie) d’une femme qui s’avère être la sœur de Sylvie (Chira Maetroianni). Ce scénario vaudevillesque se déroule sous les yeux de la mère des deux sœurs, campée par une impeccable Catherine Deneuve.
Deux éléments centraux portent ce film et lui donne son ampleur. Tout d’abord, les qualités de metteur en scène de Jacquot permettent au récit de se dérouler sous nos yeux avec subtilité et rebonds. Les trouvailles de mise en scène faisant en sorte que jamais Marc ne voit réellement le visage de la sœur de sa femme, exilée au USA (ni en photo, ni sur Skype…) sont un exemple de la façon dont le réalisateur sait jouer avec ses personnages et avec le spectateur.
Le film est par ailleurs porté par un casting exceptionnel. Si Vincent Lindon avait été pressenti pour le rôle de Marc, c’est finalement Benoit Poelevoord qui sera choisi. Ce dernier n’a peut être jamais été aussi juste, aussi profond, aussi intense dans son interprétation que pour ce film. Il est tout simplement bluffant. Charlotte Gainsbourg assoit encore un peu plus son statut d’actrice phare du cinéma français. Enfin, Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve (mère et fille à la scène comme à la ville) sont elles aussi d’une grande justesse.
Le film vous happe dès les premiers plans et ne vous lâche plus pendant 1h45 d’un mélo triste et on ne peut plus mélancolique. Si vous attendez du cinéma qu’il vous offre de franches parties de rigolade, alors mieux vaut passer son chemin. Si vous n’avez rien contre l’idée d’être touchés, bousculés pour ne pas dire par moment totalement bouleversés, alors il est tout à fait nécessaire d’aller voir ce très beau film.