Portrait des derniers jours de la vie d'un peintre/sculpteur iranien de grand talent, "Fifi hurle de joie" est le nom d'une toile de l'artiste l'ayant accompagné toute sa vie, et représente, selon son explication, l'hypocrisie de ceux qui s'exclament "je meurs de joie", cette pédanterie épinglée par l'auteur contre le vernis des apparences se retournera contre lui, pendant le film, le résumant dans ses pauses morales déliquescentes, avant son décès. Il est pourtant bien sympathique notre Bahman Mohasses, sincère, sans scrupules, au sourire ravageur, et aux poumons asthmatiques noirs de nicotine le noyant par hémorragies: il a peint des magnifiques toiles avec un extraordinaire sens de la beauté, et du même élan, en a détruites beaucoup, dans sa veine créatrice. Au fur et à mesure, sa production a baissé, sa critique destructrice est restée, contre toutes les injustices, très droit-de-l-hommiste, mais aussi bien sûr, contre la démocratie de la culture de masse. Son oeuvre se vend cher, il vit seul, chichement dans un hôtel de Rome, vieil homosexuel nostalgique du temps des rencontres subreptices avec des hommes mariés jeunes qu'il draguait. Il n'intéresse plus grand monde, calfeutré dans son isolement, marginal caractériel, à part quelques admirateurs sincères des beautés nées du bout de ses doigts. On ne peut être et avoir été. Sa dernière toile ne viendra pas. Sa mort oui. L'impulsion de l'enchaînement des événements naît de la volonté de la réalisatrice documentariste de le filmer. Elle en saisira donc l'essence. Est-ce bien, est-ce mal? Dans Fifi, tout le monde, devant ou derrière la caméra, se situe au-delà des convenances de la morale, mais seule la réalisatrice n'en oublie pas le bon sens commun. Peut-être affirme-t-elle un loupé dans l'héritage imprécis que lui laissent les générations précédentes d'iraniens, broyés dans une Histoire radicale...