Il arrive donc parfois que des cinéastes se regardent un peu le nombril, dissertant non sans un certain intérêt sur l’industrie qui les fait vivre. C’est le cas ici d’Olivier Assayas, faisant de son Sils Maria, sélectionné en compétition à Cannes en 2014, une œuvre profondément introspective sur l’univers de l’interprétation, de la mise en scène et du vécu des vedettes en dehors des plateaux de tournage ou de la scène. Pas déplaisant, son film s’avère pourtant lourd d’un certain orgueil, celui mettant en lumière l’élitisme d’un cinéma européen, pris globalement, qui peine à divertir aux delà des codes purement traditionnels. Pour Assayas et son scénariste, l’interprétation n’est pas uniquement un métier mais une condition, un embourgeoisement évident. Oui, il est question ici d’intellect, de soirée de gala, de longues réflexions bavardes sur la légitimité d’un rôle. En contrepartie, le cinéaste fait hurler haut et fort l’insolence du star-system américain en l’arrivée d’une midinette incarnée par Chloë Grace Moretz.
Il est dès lors évident, outre une approche quasi mystique intéressante d’un phénomène météorologique d’une vallée des Grisons, en Suisse, que le film d’Assayas n’est qu’une approche stylisée du métier du cinéma. Vedette ayant maintenant acquis une condition de senior, Maria se tâte. Pourra-elle interpréter Helena, la femme qui lui rendait ses répliques lorsque, toute jeune, elle incarnait Sigrid? En gros voilà la problématique, alors qu’un metteur en scène propose le remake d’une célèbre pièce dont l’auteur est fraîchement décédé. Juliette Binoche, actrice française trop rare, signe ici une très belle interprétation, entre rire et larmes, entre émotion et légèreté. Pour autant, l’actrice s’égare souvent en diatribes incongrues, le film étant bavard, et n’est récupérée sur le fil qu’au dernier moment par une autre actrice, elle, plus surprenante. Il est curieux d’avouer alors que Kristen Stewart, en mode tranquille et relaxée, s’affiche comme le rayon de soleil d’un film souvent un peu terne.
La jeune comédienne américaine met donc du rythme à un film pour le moins lancinant, qui perd à la fois son sens prédéfinis et son réel intérêt dès le retournement au trois quart du métrage. Si Assayas pensait sincèrement éblouir de son intelligence son public en tentant un coup bancal, il ne parvient qu’à sauver les apparences du fait de la qualité de sa mise en scène, d’un strict point de vue technique. Sans doute un peu trop long en regard à son ambition, son propos, Sils Maria démontre tout de même un certain nombre de lacunes qui pourraient l’amener à être considéré comme un film semi-inachevé. Tout ce travail pour finalement s’échapper dans la première brèche narrative, celle-là même qui imposera au public de se questionner, ne constitue pas franchement le final attendu.
Du reste, Sils Maria approche parfois une certaine qualité indéniable, non seulement en terme de narration, mais aussi techniquement. Comme dis plus haut, les plans mûrement réfléchis d’Assayas laissent entrevoir une lecture parallèle de son œuvre, une version des faits que certaines cinéphiles auront suivis. Pas inintéressant, de loin pas, Sils Maria s’avère pourtant aussi déroutant que captivant, pour peu qu’on s’intéresse un minimum à son menu, chose à laquelle les jurys de festivals sont conviés. Tel type de film reste du moins très difficile à financier, à produire et à distribuer. On peut donc saluer l’effort du metteur en scène, ses qualités d’homme volontaire et indépendant, alors que son produit n’est jamais destiné à une large distribution. Il en faut, des metteurs en scène comme lui. Même si certains sont meilleurs. 11/20