Après le très kitch et très raté « Irma Vep », la lecture du synopsis faisait craindre le pire. Une actrice est à nouveau castée dans la pièce qui la lança vingt ans plus tôt. Mais cette fois elle n’est plus Sigrid l’incendiaire qui détruit son amante, Helena, femme mûre qui est aussi sa patronne, mais justement la victime Et pourtant, jamais le cinéma d’Assayas n’a atteint une telle hauteur (si j’ose dire, vu le cadre). Etude et double mise en abîme de la scène et du réel, et d’une carrière de star, accompagnée de son miroir objectif (formidable Kristen Stewart). Avec une précision et une justesse impressionnante, les répétitions avec son assistante, vont dévoiler à la fois la complexité de Maria Anders (Juliette Binoche), ses troubles et doutes qui, parfois, deviennent peurs. Ce huit clos rappelle bien sur le « Persona » de Bergman mais avec un visuel d’une beauté qui frôle l’extase (évidemment, la Suisse est plus photogénique que la Baltique). La scène du serpent, à la fois magnifique et symbolique, est un immense moment de cinéma. Le réalisateur, passionné par les femmes (Virginie Ledoyen, Maggy Cheung, Connie Nielsen, Asia Argento) offre au trio Juliette Binoche - Kristen Stewart - Chloë Grace Moretz un écrin sur mesure, habillé d’une pellicule somptueuse et d’un choix musical aussi élégant et juste que la mise en scène. Malheureusement, que le début est laborieux (les scènes autour de la mort de Wilhelm sont longues et inutilement bavardes), le film débutant véritablement à Sills Maria. C’est donc un prologue de quarante minutes, un peu plus pesant à chaque nouvelle vision du film, source d’un ennui qui se prolonge a peu près jusqu’à la moitié du film, empêchant « Clouds of Sills Maria » d’être un chef d’œuvre à part entière.