Le titre français désigne un petit village suisse de l’Engadine, dans le canton des Grisons (région de Maloja) et connu pour avoir été fréquenté par de nombreux écrivains tels Friedrich Nietzsche (1844-1900), entre 1881 et 1888, Marcel Proust (1871-1922), Thomas Mann (1875-1955), Jean Cocteau (1889-1963) et Alberto Moravia (1907-1990). Le titre anglais est plus explicite (cf. infra) : « Les nuages de Sils Maria ». Maria Enders (Juliette BINOCHE, 50 ans) doit se rendre à Sils Maria pour recevoir un prix destiné à Wilhelm Melchior, écrivain subitement décédé d’une crise cardiaque ;
il marchait en montagne, dominant le lac de Sils, près du col de la Maloja [1 815 m, situé sur la ligne de partage des eaux des bassins versants du Pô et du Danube) et où est visible, en automne, un phénomène météorologique appelé « serpent de Maloja », constitué d’un ruban de nuages et qui a fait l’objet d’un documentaire en 1924 par le réalisateur allemand Arnold Fanck, pionnier du cinéma de montagne]
. Il y a 20 ans, Maria Enders a joué, à 18 ans, dans la pièce écrite à 35 ans par Melchior, intitulée « Le serpent de Maloja », le rôle de Sigrid, jeune femme qui conduit au suicide d’Helena, femme plus âgée. Elle est accompagnée de son assistante, Valentine (Kristen STEWART). A Zurich, elle rencontre le metteur en scène Klaus Diesterweg qui lui propose de rejouer la pièce de Melchior mais dans le rôle d’Helena (
dont l’actrice qui jouait le rôle, est morte dans un accident de voiture
). C’est une starlette (notamment grâce à un film de science-fiction), Jo-Ann Ellis (Chloë GRACE MORETZ) qui va reprendre le rôle de Sigrid ; idole des adolescents, provocatrice (
arrêtée en état d’ébriété, elle insulte les agents de police), ayant pour amant, Christopher, romancier célèbre (mais marié à une actrice allemande connue), c’est l’actrice favorite de Valentine (qui lui ressemble beaucoup, ayant avec elle presque un rapport de gémellité)
. Malgré quelques longueurs (
promenade puis baignade de Maria Enders et Valentine, redescente de nuit d’une promenade en montagne, aventure amoureuse de Valentine avec un photographe de la maison Chanel ou Valentine accrochant une voiture à la sortie du casino
), il s’agit d’un beau film (2h04) sur le métier de comédien, l’admiration qu’il suscite [Jo-Ann Ellis admire Maria Enders, tant au cinéma qu’au théâtre (dans « La mouette » de Tchekhov)], l’interprétation des rôles selon l’âge, leur fragilité (
Maria Enders veut arrêter les répétitions de la pièce car elle a du mal à rentrer dans le rôle d’Helena, humiliée par la manipulation de Sigrid qui en abuse, tout en étant son amante
) et leur hypocrisie ou leur pudeur (
Maria Enders cache ses sentiments lors de sa rencontre avec le réalisateur Klaus Diesterweg et l’acteur Henryk avec qui elle a eu une brève liaison à l’âge de 18 ans)
. Cela rappelle « All about Eve » (1950) de Joseph Mankiewicz mais actualisé (usage des smartphones, présence des paparazzi) et hors des villes, dans un site enchanteur. Sans oublier le fameux « Canon de Pachelbel » (ou canon pour 3 violons avec basse continue – PWC 37, T.337, PC 358) qui illustre la scène de montagne avec le serpent de Maloja et la référence à l’écrivain espagnol jésuite, Baltasar Gracián (1601-1658), citée par Maria Enders et connu pour son livre « Art et figures du succès (Oracle manuel) » (1647) et qui comprend 300 aphorismes.