Certainement, j'ai dû manquer quelque chose. J'ai même dû manquer tout le film. Et pourtant, durant 3 heures et 16 minutes j'étais bel et bien assis sur mon siège, à me tourner et me retourner, à bailler à au moins 10 reprises et à même lutter à un moment donné pour ne pas m'endormir (durant une scène de dialogue interminable entre le héros et sa sœur à la moitié du film), ce qui m'arrive très rarement au cinéma. Alors oui j'ai dû louper quelque chose, je ne vois que ça. Quand je vois apparaître en prélude "Palme d'Or - Festival de Cannes", je me dis que je suis quand même en droit d'espérer quelque chose, simplement à cause de l'étiquette. J'avais entendu les critiques assez unanimes, vu tous les qualificatifs flatteurs qu'arbore l'affiche du film ; et malgré la lenteur affirmée du film, malgré sa durée, ce film était acclamé et avait reçu la récompense suprême à Cannes ! Alors j'étais très excité, j'avais même accepté l'idée de devoir entrer dans ce "sommeil de l'hiver" afin de laisser place à une intrigue où se mariait intelligemment les antithèses de la lenteur apparente et du feu, du drame que devaient vivre les protagonistes. J'avais espéré beaucoup de choses, surtout après avoir vu la déception sur le visage de Xavier Dolan quand il n'a pas reçu la palme pour "Mommy", film que j'ai aimé de toutes les fibres de mon être, qui m'a touché profondément et marqué à jamais. ""Mommy" n'a pas eu la palme mais "Winter Sleep" l'a eu ?", m'étais-je dit, "Alors il doit être vraiment exceptionnel mais dans un autre genre j'imagine, donc pourquoi pas ?".
Après ces 3h16 de film, comment ne pas crier au scandale et affirmer le cirque qu'est le Festival de Cannes ? Je ne comprends vraiment pas et sincèrement ça me tue ! J'ai vu l'histoire qu'il m'était raconté, un ancien comédien talentueux retranché dans son hôtel perdu au milieu des reliefs turques, vivant avec sa ravissante femme beaucoup plus jeune que lui, qui ne s'entendent plus aussi bien que dans le passé ; j'ai vu les troubles qui traversaient les personnages, la frustration de cette femme qui voit sa vie se dérober inéluctablement sans qu'elle y ait trouvé un sens, le questionnement de la sœur sur l'inexorabilité du mal qui habite les Hommes, le sentiment d'injustice, la colère mais aussi le dépit qui habitent les pauvres locataires, et puis bien sûr tous les tourments du personnage principal, aigri, arrogant, moralisateur même s'il pense être juste et dit être étranger à tout le mal qui pourrait sévir autour de lui. J'ai vu, que ce soit du côté des riches ou des pauvres, que personne n'est satisfait, personne n'est accompli personnellement, personne n'est heureux. J'ai vu tout ça. Et après ? Est-ce que ça en fait un film ? Non, car je vois tout cela se dérouler devant mes yeux sans que cela n'ait de sens, sans qu'il n'y ait quelque chose de raconté, je n'ai pas vu d'histoire ! J'ai vu s'enchaîner des scènes qui ne mènent nulle part, ou plutôt si, qui mènent à cette voix off finale (unique voix off du film sortie d'on ne sait où) du protagoniste qui tente de se justifier en livrant ses ressentiments et finalement explique tous les questionnements qui l'habitent, questionnements qu'on avait largement compris durant tout le reste du film vu que ça tourne autour de ça, autour de l'ego envahissant et dévastateur de ce personnage.
J'ai vu donc tous ces jolis thèmes exposés mais je n'ai pas vu de film, j'ai vu du vide ! Certes les acteurs sont bons, y a pas à dire, la photographie est réussie, les décors sont de belles curiosités, les dialogues sont très bien écrits, mais encore une fois ça n'en fait pas un film, il m'a manqué le truc pour me tenir en haleine : une histoire. Il aurait fallu que quelque chose se passe, et j'imagine que si le film a été tant complimenté, c'est justement parce qu'il n'est pas formaté au niveau du scénario et qu'il raconte ce qu'il veut raconter. Mais pour moi c'est insuffisant et soporifique, je ne peux pas adhérer à un film qui n' a aucun ressort narratif. Je vois uniquement des scènes, souvent beaucoup trop étirées, qui veulent montrer explicitement ce que ressent chacun des personnages de manière viscérale. Et la critique acerbe envers le héros est parfois faite de manière grotesque, par exemple lorsque sa sœur lui demande ce que cela signifie pour lui "si l'on ne s'oppose pas au mal", ce à quoi il répond par des pirouettes ou des choses très terre-à-terre, feignant ne pas comprendre qu'évidemment si on n'oppose pas au mal, c'est idem voire pire que faire le mal, et par cela la sœur vise ouvertement son frère qui par son attitude passive fait le mal.
J'imagine également que beaucoup de choses sont sous-entendues, que de nombreuses pistes sont lancées : la saison de l'hiver et le fait que la neige tombe à des moments précis, le soit-disant glorieux passé d'acteur qui n'a pas voulu répondre aux sirènes du cinéma, le personnage du professeur qui serait le mari idéal dans une autre vie de la femme... J'ai l'impression que le film déborde de symbolisme mais malheureusement, déjà que je cherche un sens à tous ces dialogues, toutes ces scènes mises bout à bout, je n'ai pas la force d'essayer de comprendre toutes les métaphores qui se présentent.
J'ai néanmoins bien aimé la tension de certaines séquences : l'explication musclée à propos de la vitre cassée entre le père du gamin et l'homme à tout faire (la tension va graduellement et de manière très maîtrisée), la grosse liasse de billets offerte par la femme aux pauvres et les réactions qui en découlent... Mais voilà, ça ne sauve pas le tout de l'abysse.
Et pourtant ça me sidère de voir que la note globale presse/spectateurs est de 3,8/5 sur Allociné ! Alors je me pose la question et si ça se trouve j'ai lu le film totalement à l'envers, je n'ai peut-être absolument rien saisi du propos, mais en tout cas, ça ne m'a pas du tout pris aux tripes ni agrippé de bout en bout. Je n'ai éprouvé de l'empathie pour aucun des personnages (encore que pour le héros je pense que c'est totalement voulu), même si je reconnais que certains ont un traitement très intéressant, l'imam notamment, toujours entre le vrai et le paraître.
Pour conclure, je dirais simplement que ma Palme d'Or est le merveilleux "Mommy" et que "Winter Sleep" consiste simplement en une longue séance d'onanisme intellectuel où l'on explore les tréfonds de l'âme de personnages perdus (dans tous les sens du terme) dans un coin reculé du globe.
Peut-être ai-je tout loupé me direz-vous, et dans ce cas je m'en excuse, mais je vous rétorquerai, et de manière légitime, qu'étant donné qu'il n'y a rien à voir, c'est pas étonnant.