L'hiver dort, il ne fait pas son boulot, ce sera donc le rôle des personnages de cette tragédie turque de nous faire ressentir le froid glacial. Après une palme d'or résolument charnelle et sensible, "La vie d'Adèle", voici l'inverse récompensé, distant et sec.
Dans un village d'Anatolie centrale, Mr Aydin gère son hôtel et ses écrits. Ses relations sont secouées par des reproches grandissants autour de lui.
On ne peut que saluer la prouesse de Nuri Bilge Ceylan de nous faire ingérer cette cruelle leçon de 3h15 sans aucun dégout. C'est là d'ailleurs toute la magie du film, d'être si froid mais pourtant si prenant. Il nous appâte en offrant une certaine empathie pour les personnages, qu'il va progressivement mettre à terre jusqu'à l'ultime renoncement, il n'y a plus que pitié à avoir.
Un film intellectuel, bavard mais très bien écrit, une virtuosité psychologique, un sens du rythme et un refus de tous clichés scénaristiques en font un objet hautement louable. Les acteurs brillent d'intelligence et de tristesse.
La densité et les non dits permettront à chacun d'y trouver un angle d'approche. Pour ma part, j'y vois une présentation impeccable et implacable de la faiblesse et de la toxicité du lien social. Bien qu'inévitables, les relations affaiblissent et conduisent au renoncement. Tous les personnages sont fatalement liés entre eux, sans amour et sans haine (on dirait du Zazie) mais pas sans colère, une colère froide évidemment. C'est un grand jeu de dépendance familiale, monétaire, maritale... d'où personne n'échappe. La tragédie est bien là, pourtant, il n'y aura ni bouleversement ou explosion de violence. Celle-ci restera contenue en chacun, larvée dans des regards et des paroles assassines. Le renoncement pour tous.
A conclure cette brève critique, je voudrai espérer que c'est plus mon regard que celui du réalisateur qui assombrit le film. A la manière des tragédie grecques, voudrait-il purger les velléités de renoncements en exposant cette bande pathétique et piégée? Assurément une réussite, prenant en continu malgré la noirceur du propos.