Chef-d’œuvre intimiste tout en étant monumental, "Winter Sleep" s'étend avec majesté sur plus de trois heures, durée nécessaire pour raconter la crise que vit une poignée de personnage dans un magnifique village anatolien. Visuellement, le cadre est splendide, et la mise en scène est à l'avenant. Nuri Bilge Ceylan avait déjà démontré dans "Il était une fois en Anatolie" sa profonde maîtrise du filmage de la nuit, capable qu'il était de sublimer sa texture et rendre son silence attirant. Ici, c'est le jour qui est magnifié : le réalisateur exerce son sens du cadrage et de la lumière pour accorder une ampleur manifeste aux paysages filmés. Voir l'ocre de la roche et le blanc de la neige se mêler provoque une grande émotion plastique, justifiant pleinement le choix d'implanter cette histoire de rupture avec des idéaux dans des paysages aussi grandioses.L'intérêt principal du film réside néanmoins dans les dialogues. Écrits avec une incommensurable intelligence et interprétés avec talent, ils déploient un amas d'arguments pour des joutes verbales plus passionnantes les unes que les autres. Il est d'ailleurs impressionnant de constater que ces longues scènes de dispute sont filmées assez sobrement, avec seulement trois à cinq cadres fixes où se tient la caméra, mais qu'elles sont pourtant incroyablement dynamiques tant les plans sont composés avec minutie. Il y a un immense travail sur les lumières, les feux de cheminée prenant ici une grande place en provoquant une impression de confort alors même que les convictions des personnages sont en train de se décomposer sous nos yeux. Leurs visages, parfois réduits à de simples taches de lumière, se révèlent alors sous un nouveau jour. Aydin, qui nous était d'abord présenté comme un homme débonnaire et intègre, hôte agréable pour ses clients, acquiert ainsi peu à peu une dimension maléfique. On s'aperçoit que la fermeté affichée de ses convictions est finalement plus proche d'une posture butée et refusant toute empathie. Derrière la raison qu'il prône comme un art de vivre se cache une arrogance aveugle et auto-satisfaite. Il en arrive alors à être filmé comme le diable en personne lors du déballage nocturne des quatre vérités entre mari et femme, la lumière du feu crépitant ne se reflétant que sur une partie de son visage, mettant seulement en valeur un œil méprisant et un sourire ironique.Rarement on a été aussi loin dans l'exploration des âmes. Nuri Bilge Ceylan parvient à faire en sorte que le spectateur approuve ou réprouve les actes des personnages, mais en comprenant les motivations de chacun et la façon dont ils en sont arrivés là, donc en ne les condamnant pas. Un prolétaire affable et agaçant, s'humiliant pour arriver à ses fins, est presque considéré comme un animal par Aydin, mais jamais par la caméra qui prend soin de montrer qu'il est plus que l'image dans laquelle il essaye de se fondre aux yeux du propriétaire de sa maison, tandis que son frère alcoolique acquiert quant à lui une dignité et une abnégation qu'on n'aurait su soupçonner chez lui au premier abord. Anthropologiquement, c'est quelque chose de très fort que le réalisateur met en place, jusqu'à faire en sorte que des années de vie de couple, voire d'existence tout court, se dessinent clairement dans l'esprit sans qu'elles soient portées à l'écran. L'explosion du barrage qui retenait des décennies d'aveuglement et de reproches refoulés suffit à élargir le champ de l'histoire jusqu'à ce qu'elle atteigne une densité inégalable.
Long mais poignant... Super bien joués les personnages sont humains, faillibles et aveuglés par leurs assourdissantes opinons! Des images saisissantes qui plongent dans une région reculée de Turquie l'Anatolie! Bande son simpliste mais émouvante! Film à ne pas rater!
Film majestueux, musique exceptionnelle, personnages intéressants. Film qui laisse penser que le cinéma turc est un réel bonheur, à la fois d'apaisement et de réflexion. Ce film souligne de véritables questions qui amènent à réfléchir comme "Comment atteindre le bonheur? Faut-il avoir confiance en l'humanité? etc." . Film tout à fait bouleversant, des acteurs épanouissants. Ce film est définitivement à voir et à revoir.
3h16 de discours, de dialogues, de parlote! Mais Dieu que c’est bon. Chaque mot sonne juste. Une partition sublime. Jusqu’à la révélation finale. Et un sentiment d’humanité comme on aimerait en voir plus souvent au cinéma. Le chef d’oeuvre de 2014!
Film .. j'allais dire Fresque.... un peu long (3H 1/4) en Anatolie. De ce fait les images de ces maisons troglo sont de pures merveilles, un peu moins les aménagements intérieurs qui trahissent la pauvreté et la dureté. Le VO dans cette langue Turque implique beaucoup de "lecture" dommage. je n'aurais pas attribué la palme d'or à ce film, mais je ne faisais pas partie du jury. Les dialogues sont un tantinet fatiguants et ne sont pas hautement philosophiques comme j'ai pu lire ici ou là. Simplement un comportement des plus machos - bien courant dans ce pays (au moins) à la limite du supportable. J'ai bien failli quitter la salle (bien d'autres l'ont fait) mais la très belle Melisa Sözen (Nihal) est admirable de constance et d'abnégation a su retenir mon attention !! **
Le film est avant tout une mise au point familiale. D'éternelles discussions sur le couple et l'amour qui a fui. Alors le sommeil d'hiver est-il peut-être l'occasion d'une longue remise en question de soi-même, dans la solitude, la nuit, le froid qui permet l'introspection et la réflexion sur ses choix de vie. Intéressant mais hésitant parfois entre le contemplatif pur et dur et le théâtre.
Magnifique, les 3 h 20 passent sans ennui. On se retrouve confiné avec les acteurs dans un huis clos aux échanges violents .. mais malgré tout on n'a pas envie de quitter ce décor extraordinaire.
Pfiouuuu ! Palme d'Or 2014, je pensais aller voir un excellent film. C'est vrai que les personnages sont intéressants, avec des caractères bien trempés, des conflits, des drames, de la rédemption. Il y a de très très beaux paysages et décors (j'adore l'hôtel). Il y a cette manière de filmer avec de longs plans séquence qui permette de mettre en lumière tout le talent des acteurs et des dialoguistes. Mais alors 3h16 c'est incroyablement long, surtout lorsque le film est lent voir même très lent. Beaucoup, beaucoup trop long.
"Winter Sleep", Palme d'or à Cannes en 2014 consacre Nuri Bilge Ceylan résident presque à demeure du festival comme d'autres réalisateurs qui tels Emir Kusturica, Michael Haneke, Ken Loach ou les frères Dardenne bénéficient d'un à priori favorable dès la sélection de leurs films que ceux-ci soient ou non à la hauteur de la flatteuse réputation de leur auteur. Long de plus de trois heures, "Winter Sleep" n'a pas fait l'unanimité parmi la critique mais Jane Campion la Présidente du Jury a tenu bon pour amener son favori à la victoire. On sait la comparaison qui est faite de l'œuvre du cinéaste turc avec celles d'Ingmar Bergman ou de Michelangelo Antonioni. "Winter Sleep" ne fait pas exception à la règle qui se laisse pourtant davantage apprivoiser que les œuvres les plus austères de ses deux glorieux aînés. Aydin (Haluk Bilginer), un acteur célèbre en retraite vit avec Nihal sa jeune femme (Isler Nejat) et Necla sa sœur (Melisa Sozen) en plein cœur de l'Anatolie centrale dans la demeure familiale transformée en gîte rural. La vie de ces bourgeois s'écoule paisiblement dans cette contrée où la nature hostile n'offre pas beaucoup de perspectives aux gens de condition modeste. Dans la vaste demeure chacun vaque à ses occupations cherchant à repousser l'ennui qui gagne à l'approche de l'hiver. Aydin écrit des éditoriaux pour un journal d'Istanbul à faible diffusion, Nihal tente de monter une association caritative pour améliorer le sort des écoliers de la région pendant que Necla ressasse son récent divorce qui la laisse amère et désœuvrée. L'évitement de chacun des membres du trio par rapport aux deux autres que Ceylan met presque immédiatement en perspective n'est en fait qu'une stratégie pour ne pas laisser libre cours à des rancœurs qui ne demandent qu'à ressurgir au moindre incident. C'est Aydin en demandant l'avis de sa femme sur l'aide pécuniaire sollicitée par une instructrice d'un village voisin qui déclenche les hostilités. Aydin se retrouve vite acculé à devoir répondre de l'insatisfaction existentielle de sa femme qui lui reproche d'avoir gâché ses précieuses années de jeunesse. S'ensuit une série de dialogues souvent raffinés qui interrogent sur la difficulté de la vie en société qu'il en soit des rapports de classe, de ceux liés à l'amour ou encore du libre choix de chacun à se choisir son propre destin. Ceylan qui s'inspire de nouvelles de Tchekov n'innove en rien et c'est plutôt la manière dont il tisse sa toile qui fascine avec les maisons troglodytes du village en toile de fond qui nous rappellent que depuis la nuit des temps l'homme social n'a pas vraiment évolué. Les trois heures du film qui ont été reprochées à Ceylan comme un manque de maîtrise de l'architecture cinématographique ne sont pas vraiment un obstacle si l'on accepte que c'est bien l'interaction entre les personnages plutôt que l'intrigue qui importe au réalisateur. En revanche on peut s'interroger sur le fait que dès la moitié du film Ceylan ait choisi de sacrifier sans autre forme de procès le personnage de Necla, la sœur d'Aydin dont la psychologie complexe méritait d'être développée au regard du temps de narration choisi . C'est à ce titre sans doute que certaines scènes auraient mérité d'être allégées pour laisser encore un peu de place à cette sœur qui donnait un autre éclairage à la personnalité d'Aydin. Reste à savoir si le sillon creusé par Ceylan d'un cinéma à visée essentiellement intellectuelle lui donnera encore assez de matière pour faire évoluer son art afin de briller hors des festivals.
un huis clos dans un espace immense et désert... une sorte de Désert des Tartares.... Jeu hyper réel, dialogues ciselés, les non-dits qui font peu à peu surface... Trois heures de plongée dans un univers désertique mais pas désert!
Publiée le 9 septembre 2014 ( par Michel Crotti ) Film .. j'allais dire Fresque.... un peu long (3H 1/4) en Anatolie. De ce fait les images de ces maisons troglo sont de pures merveilles, un peu moins les aménagements intérieurs qui trahissent la pauvreté et la dureté. Le VO dans cette langue Turque implique beaucoup de "lecture" dommage. je n'aurais pas attribué la palme d'or à ce film, mais je ne faisais pas partie du jury. Les dialogues sont un tantinet fatiguants et ne sont pas hautement philosophiques comme j'ai pu lire ici ou là. Simplement un comportement des plus machos - bien courant dans ce pays (au moins) à la limite du supportable. J'ai bien failli quitter la salle (bien d'autres l'ont fait) mais la très belle Melisa Sözen (Nihal) est admirable de constance et d'abnégation a su retenir mon attention !! **
Winter sleep est un film atypique, hors norme, construit autour de la figure d'un homme, riche, complexe et d'une galaxie de personnages secondaires qui gravitent autour de lui, ça donne de nombreuses scènes de dialogues, des scènes longues, posées, où la caméra se réinvente à chaque fois, des dialogues comme j'en ai peu vus, à l'image de l'homme, riches, complexes, longs et fouillant l'intimité de chacun, par détours souvent, de front parfois.
Construit sans véritable scénario, les 190 minutes de film ne sont que délectation, pourtant on peine à en dégager une énergie, un message, ce qu'il en reste c'est ce qu'on peut retirer de ces dialogues, de ces montagnes alourdies par la neige, c'est la philosophie d'une vie, c'est le comportement des hommes qu'on questionne.