Film qui aura bien fait parler de lui suite au piratage des données informatiques de Sony, The Interview nous est finalement parvenu en salles en ce début d'année 2015 pour notre plus grand bonheur (ou non). Je ne reviendrai pas davantage sur la polémique liée à ce piratage, est-ce un coup de pub volontaire ou involontaire, car je m'en fous un peu à vrai dire. Je laisse donc le soin aux amateurs de théories du complot de décortiquer tout cela et de nous dire que ce piratage est le résultat d'une conspiration menée par l'impérialisme américain. Bref, c'est pas spécialement le genre de film qui m'intéresse en temps normal. Je m'attendais à voir un truc gras qui allait plus me faire grincer des dents que rire. Ce qui, je dois l'avouer, m'arrive souvent avec les comédies récentes, qu'elles soient américaines ou française (même si la bonne comédie existe toujours, ne nous méprenons pas). Alors finalement, que vaut cette interview qui tue?
On peut déjà émettre un avis qui aura du mal à être remis en cause: le titre français peut facilement concourir à la palme de la traduction la plus foireuse depuis 2010. Parce qu'autant la traduction de In Time par Time Out c'était rigolo, celle de Nightcrawler par Nightcall c'était marketing. Mais là c'est quoi ce titre nanar? Le distributeur français a vraiment cru qu'un titre pareil allait rameuter du monde en salles? Il y a des gens payés pour faire des traductions aussi débiles? Enfin, fermons la parenthèse et parlons du film (puis tant mieux si la traduction de ce titre a pu assurer un emploi au vu du contexte économique morose
Le film dure 1h50 et j'ai dû soupirer pendant les trois quarts de sa durée. En fait, The Interview fait à peu près l'inverse de The Dictator et c'est là où le bât blesse. Là où Sacha Baron Cohen n'hésite jamais à aller toujours plus loin (parfois trop loin), The Interview reste quant à lui tout sage, tout gentillet, cantonné à l'humour anal. Et c'est ce qui est dommage, le film dépasse rarement le stade de l'humour potache et n'est jamais subtil pour un sou. Et le rythme n'est pas forcément terrible étant donné que le film met une plombe à démarrer réellement. Dans The Dictator tu es directement plongé dans le bain, ici tu passes facilement 3/4 d'heure en Amérique sans que ce soit palpitant, aussi bien au niveau de l'intrigue que de l'humour. Mais on veut voir ce présentateur TV débile avec Kim Jong-Un bordel ! Vendez-nous du rêve ! Vous êtes bien américains non? Bon après, je dois quand même avouer que le début avec Eminem m'a fait sourire avec un détournement d'image très cocasse.
Mais globalement il y a quand même un gros souci d'écriture. Il faut voir la qualité de certaines répliques du type "trolol mon zizi pue". C'est assez lamentable. J'aurais certainement dérouillé mon appareil dentaire à force d'en rire à 13 ans mais là j'en ai 10 de plus, et ça ne passe plus. L'humour est gras, vulgaire, stupide bien qu'il assume clairement et ouvertement sa stupidité. Mais à quoi ça sert d'assumer sa connerie si c'est pour ne pas la pousser jusqu'à son paroxysme? (et encore une fois, je ne peux que citer Sacha Baron Cohen). Pourtant, les deux personnages principaux sont paradoxalement assez attachants entre un Franco totalement déjanté et un Rogen dont la bouille rondelette est sympathique. Mais il en faut quand même plus, tu ne peux pas faire un film sur l'assassinat de Kim Jong-Un en te contentant de ça. Mais fort heureusement, à la fin ça bouge plus et le film commence enfin à amorcer un véritable élan comique.
On assiste alors à un généreux mélange entre du Baron Cohen (encore lui) et du Tarantino. Ça y va d'ailleurs gaiement sur le gore et le dégueulasse. Et ça fait du bien après une bonne heure de film insipide. Les mecs se lâchent enfin. Ça ne vole toujours pas haut bien entendu, mais ça part dans un délire gentiment con que j'ai trouvé irrésistible parce que les acteurs donnent tout ce qu'ils ont et cabotinent comme jamais. Mais la problème c'est que ce n'est qu'une vingtaine/trentaine de minutes dans un ensemble de presque 2 heures. Autant dire que ça reste très léger et les bonnes idées de comédie ne sont pas forcément monnaie courante.
The Interview se renouvelle également peu au niveau de l'humour, exception faite du dernier quart du film. Le projet sur le papier était assez sympa mais le film est hélas fait par des américains pour des américains. Et donc ça se nourrit de références culturelles pauvres, calibrées pour le public US et ça n'exploite pas totalement le potentiel fun que vous pouvait arborer la visite d'un présentateur TV débile en Corée du Nord. On assiste également à une simili-critique des médias poubelles mais ça reste trop en surface, et le côté attachant du personnage de Franco ruine un peu toute la crédibilité de cette critique. Mais dans le fond je ne crois pas que le tandem Goldberg/Rogen voulait dénoncer certains excès américains en profondeur. Le film est juste une pantalonnade qui tacle légèrement quelques sujets sociétaux en se moquant joyeusement de la Corée du Nord et de son régime grotesque. Et au fond, c'est pas plus mal que ça ne se prenne pas au sérieux.
En conclusion on ne peut pas dire que j'ai vraiment apprécié ce film. Si vers la fin je trouvais ça assez drôle, je ne peux pas non plus oublier que je me suis emmerdé pendant une bonne partie du film. Car l'humour est gras, répétitif et ne pousse jamais le bouchon trop loin. C'est paresseux quoi. Mais ce n'est pas forcément antipathique pour autant surtout que j'ai bien aimé les acteurs. C'est pas forcément le film qui me fera aimer la comédie US récente (pas de ma faute si je préfère Keaton, Chaplin, Wilder ou encore Lubitsch) car The Interview ne dépasse pas le seuil du simple divertissement inoffensif. Mais voir Franco se foutre une mine avec Kim Jong-Un en écoutant du Katy Perry c'est quand même cool.