Perd sienne
Anne Fontaine est une metteuse en scène plutôt talentueuse mais rarement inspirée dans l'écriture. Décidément éprise des histoires d'amour impossible, elle livre des films souvent plus distrayants que mémorables. Récits inconcevables, objets bien trop cinématographique pour être touchants. Cela dit les films d'Anne Fontaine ne sont pas dénués de toutes sensations.
Parfois oppressants; "Nathalie", "Entre ses mains", "Perfect Mothers". Parfois faussement charmants; "La fille de Monaco", "Mon pire cauchemar"... Mais toujours basés sur l'amour pluriel et compliqué. Pour ce qui est de "Gemma Bovery", c'est encore très surfait mais sur ce coup c'est drôlement assumé. Ce dernier Anne Fontaine est à la fois concernant et amusant.
Le climat champêtre est plus morose qu'enchantée. Les innombrables bruitages de téléphones n'y changent rien, ça sent la poussière. Fabrice Luchini est vieux-jeu en normand désabusé, Gemma Arterton Bovery est au départ aussi barbante. Elle entre exaltée avec une passion pour la France pleine de clichés. C'est significatif du propos qui veut mettre en exergue l'absurdité de l'image que les étrangers se font de la campagne française.
Martin Joubert ne cesse de s'agacer face à ces lieux communs étalés par ses voisins. Malgré une bonne intention, les mots ne sont pas très bien choisis et c'est un peu vain. Luchini en fait des caisses et c'est assez navrant. Il a vraiment le mauvais rôle, agaçant dans son côté frondeur, ridicule lorsqu'il s'emporte sous les charmes de miss Bovery, bien qu'on ne puisse pas les déconsidérer. La scène du marché est ridicule, le regard de mise en scène du boulanger semble un peu pervers et très absurde (dans le mauvais sens du terme). Par moment cette relation est très intéressante dans ce qu'elle renvoie d'universel. Un coup de foudre non partagé.
C'est très juste et éloquent. Dans la folle passion de son personnage pour la gente féminine à travers la littérature classique, Fabrice Luchini est amusant. Ce serait moins navrant si il s'agissait d'une amourette (non réciproque) d'ados. Mais tout cela est sensé. L'immense beauté de l'ex James Bond Girl laisse facilement béa. Le ridicule n'est pas dans la sublimation, partagée par beaucoup de spectateurs, mais dans l'obsession de Martin Joubert. Pétri d'espoirs finalement brûlés par une jeune femme débordante de vie et d'amour. Gemma Bovery trouble la raison de tout les hommes qu'elle rencontre et laisse le voisin épris et aigris face à l'envie et la jalousie. Un baiser, probablement imaginé, pour clore cette relation sans réciprocité. Cela paraît d'autant plus onirique après la chouette scène de la cathédrale de Rouen. Tout ça est extrêmement surligné. Le comble se trouve dans l'analogie sensuelle de la fabrication du pain. Encore une fois, le charme fou de Gemma Arterton donne un semblant de saveur au film.
Autour de ce duo improbable gravitent un tas de personnages secondaires, tant dans la présence que l’intérêt. Le mari Bovery est antipathique, la femme Joubert est totalement désemparée, le jeune Bressigny est imbuvable, même Edith Scob est pénible. Le gros lot est décroché par Elsa Zylberstein plus qu'insupportable dans un rôle affligeant de caricature. Kacey Mottet Klein continu de grandir à vitesse grand génie. Méconnaissable, on en finis plus de voir en lui un futur grand acteur.
Gemma est un beau rêve pour un normand grisé par sa retraite. Un récit jamais passionnant dans un cadre bucolique très mal exploité, Anne Fontaine signe un film moins enchantant qu'il ne pourrait-être. Une succession de fioritures, parfois amusantes mais plus souvent consternantes. Un poil gris, illuminé par une Gemma Arterton sexy comme jamais.