Très rapidement le film bascule, il bascule lorsque le personnage de Kevin Spacey entame sa déchéance. Dès les premiers instants il annonce sa mort, on peut le voir dors et déjà enfermé, lancé dans une routine que rien ne semble pouvoir arrêter. Le seul moment agréable de la journée reste selon lui le moment où il se masturbe. Frustration d'un homme pourtant en couple qui emmènera au fantasme, fantasme sur une jeune étudiante qui est en réalité la meilleure amie de sa fille. La situation se complique et les évènements dérangeants se poursuivent : Sa femme refuse tout acte sexuel et n'hésitera pas plus tard à aller voir un autre homme.
Certes pour l'instant je ne fais que narrer les malheurs du personnage de Kevin Spacey mais en réalité le film ne se centralise pas là-dessus, la déchéance de cet homme est en réalité un catalyseur qui permettra aux autres personnages de s'extérioser, d'évoluer. C'est la plaque tournante du film, c'est lui qui a tout initié, qu'il le veuille ou non.
American beauty ne dresse donc pas le portait d'un seul et unique personnage mais bien de plusieurs et Sam Mendes prend un soin particulier à ne pas porter de jugement sur ces derniers, il fait preuve de neutralité et ne porte ses héros ni en bonne, ni en mauvaise personne. Cette neutralité n'est pas sans rappeler les origines de Sam Mendes qui vient en effet du monde du théâtre, ce qui nous permet donc de rebondir sur sa mise en scène qui bien que classique reste d'une efficacité incontestable. En outre il se permet tout de même quelques touches d'ironie dans les différents portraits dressés, ainsi l'on se souvient des séances de musculation de Lesther Burnham ou encore de la scène où sa femme fait le ménage qui ne manquent pas de dérision.
Donc oui, American Beauty commence par le portait de cet homme frustré dont l'éveil psychologique déclenché par l'attirance qu'il éprouve envers cette jeune fille (Seulement attirance, ici il ne sera pas question d'amour, du moins pas au sens passionnel) le conduiront tout droit vers la mort. Pourtant avant ça il c'est vu revivre, à la manière d'un adolescent : Course à pied, musculation, drogue, CD de musiques de son époque, détachement. Et pendant que lui retrouvait lentement un équilibre, sa femme suivait la trajectoire inverse et entamait une vraie descente aux enfers, tentant de se raccrocher à tout ce qui se trouve à proximité. Tout d'abord un homme avec lequel elle se ravissait de plaisirs, avant de se rendre compte qu'il n'était qu'une ordure, et qu'elle aussi en fin de compte était dans ce cas. Puis la déchéance continue et petit à petit elle perd toute féminité. Féminité dont bénéficie de plus en plus sa fille. Elle et son amie sont l’incarnation des deux principaux clichés de l'adolescence, elle est assez timide et peu sur d'elle, aux antipodes de son amie donc qui représente la fille populaire et belle dont le succès avec les hommes n'est vraisemblablement plus à démontrer. Profils opposés, chemins opposés aussi car oui dans American Beauty les apparences sont trompeuses et ce pour la majorité des personnages. Ainsi l'un des seuls personnages à avoir trouvé une certaine sérénité est le fils du colonel qui pourtant sort d’hôpital psychiatrique. Son père quand à lui est le seul personnage à être dans l'incapacité d'évoluer. Lui aussi est au delà des apparences, sa misanthropie et son homophobie ne sont que le résultat d'une peur indicible et le dénouement final ne sera pas le fruit d'un simple malentendu mais bel et bien d'une souffrance qu'il traîne depuis de longues années.
En conclusion l'on pourrait dire que American Beauty est un film amer, un film aux multiples tentacules dont la force réside dans une construction scénaristique en béton et une mise en image efficace. L'oeuvre de Sam Mendes n'est pas une explosion, non, c'est une véritable implosion !