D'une lenteur sans nom, le coup d'essai et premier chef d’œuvre de Sam Mendes a le don d'agacer. Non pas que Sam Mendes fasse une mise en scène décrépie ou dirige mal ses acteurs, loin de là !, mais le nouveau réalisateur américain moderne passé à la notoriété en 2000 avec ce métrage, ayant fait ses classes par le théâtre (il a bâti sa carrière sur les planches de la Royal Shakespeare Company et du Domnar Warehouse Theatre dont il a été directeur), s'attarde un peu trop sur la situation. En effet, le film ne démarre vraiment qu'après une heure. Ce faux-rythme de la première partie, même si cela est très bien réalisé, a eu le don de me lasser, de m'ennuyer : oui, il ne s'est pas passé grand chose. Non, je ne me prétends pas metteur en scène, je ne fais pas partie des Cahiers du cinéma (comme d'autres grands l'ont été : Truffaut, Godard, Rivette, Rohmer, Tesson). En revanche, j'ai trouvé l'écriture filmique lourde, pesante et dénuée d'intérêt.
Mais parlons maintenant de l'esthétique parfaite de ce néanmoins chef d’œuvre qui a bouleversé le début de ces années 2000.
"American beauty", par son sujet, défigure l'American way of life en s'insinuant dans la vie monotone d'une famille aisée occidentale, à l'américaine. Un père quadragénaire (Spacey, encore au sommet de sa forme) en pleine dépression va se transformer en véritable sexe-symbol. Sa femme (une parfaite Annette Bening) peu reluisante entame une nouvelle relation de pouvoir tandis que leur fille (la stupéfiante Thora Birch) est en pleine crise d'adolescence. Le pitch, dont on pourrait parler des heures, a le don de cristalliser l'occident sur des dérives aux enjeux planétaires : homosexualité, alcoolisme, port d'armes... et j'en passe ! Les scénaristes crucifient sur place un monde cruel et pourtant si banal. Le sang (pardon !, les roses...) a du couler sur l'encre. Alan Ball, pour qui c'est son premier scénario et lui aussi (!) passé par le théâtre, signe un magnifique réquisitoire pour la liberté. Excellentissime ! Le créateur des séries "True Blood" et "Six feet under", c'est lui !! Ball a également été aidé par Mendes pour l'écriture du script.
Passons maintenant aux acteurs. Kevin Spacey, dans le rôle du quadragénaire perdu et bancal, est tout simplement magistral. Après ses interprétations dans les thrillers "Usual suspects" et "Seven", il prouve qu'il peut changer de registre. Je le considère aujourd'hui comme un acteur complet étant donné tout le talent dont il peut faire preuve pour chacun de ses rôles. Ici, il s'agit bien entendu (!) d'un de ses meilleurs. Super ! A ses côtés, Annette Bening jouant sa charmante épouse désaxée, est détestable au possible... donc convaincante. Déjà vue chez Neil Jordan, Mike Nichols, Forman... . Thora Birch, qu'on a pu voir dans le diptyque "Jeux de guerre" et "Danger immédiat" en compagnie d'Harrison Ford, incarne l'adolescente de la famille en pleine crise. Un très beau rôle ! Après le trio de la famille (Spacey/Bening/Birch), les seuls seconds couteaux qui m'ont attirés sont Chris Cooper ("L'homme qui murmurait...") dans la peau du colonel autoritaire et Wes Bentley ("Hunger games", "Interstellar"), dans l'un de ses premiers rôles !, en fils de voisin inquiétant.
Toujours pour parler esthétique, la photographie est lumineuse et tout en nuance. Encore du très beau travail. A la barre ? Conrad L. Hall, à qui l'on doit l'atmosphère brumeuse de "Butch Cassidy et le Kid", assisté d'un certain Tom Stern (l'habitué d'Eatwood réalisateur : "Million dollar baby", "Invictus"...) à la lumière, elle aussi parfaite. Du beau boulot mené à la perfection et stylisé par le roi Mendes.
Également dans l'ambiance, la musique. Car il faut le dire, "American beauty" sans la partition culte de Thomas Newman ne serait pas "American beauty". Les notes de pianos adoubées aux accords de violons s'accordent infiniment bien au scénario du film. Rarement bande-son n'a fait miroiter une telle électricité monotone dans un long-métrage aussi lassant soit il. Thomas Newman, qui a vu sa renommée monter en puissance dans les 90's ("The player", "Les évadés", "Larry Flint" et surtout "L'homme qui murmurait...") compose une bande-son mirobolante et posée se calant à merveille sur l'histoire racontée par Kevin Spacey. Naturelle, pétillante et volontaire, le compositeur nous entraîne dans la folle virée d'une famille qui ne contrôle plus rien. Subtilement vôtre, Monsieur Newman.
Ajoutons là-dessus une mise en scène fort adéquate et nous tombons sur un film doté de qualités extravagantes et extraordinaires. Le réalisateur des "Sentiers de la perdition" nous envoûte par ses envolées lyriques qui m'ont toujours causées le tort de retomber à plat à chaque fois.
"American beauty", c'est aussi des séquences cultes. La première, c'est la danse endiablée d'Angela (l'actrice Mena Suvari l'incarne. Oubliée d'Hollywood : "Sonny" de Nicolas Cage, "Domino" de Tony Scott.) La seconde, c'est Angela dans les rêves de Kevin Spacey emmitouflée dans un tapis de rose. La troisième et dernière, c'est le final, aussi brûlant soit il.
Pour conclure, "American beauty" (2000), du metteur en scène de "Skyfall", se pare de mille et une roses pour mieux nous enivrer sur place. Spectacle total et chef d’œuvre absolu.
0 étoiles sur 4 ; accord parental souhaitable.
Les spectateurs en manque de repère adoreront. A regarder au moins une fois dans sa vie pour culture cinématographique complète. Les autres, passez votre chemin.