Ce film mérite un peu qu’on s’y attarde.
Le pitch est séduisant, la bande-annonce plutôt bonne et la part de risque est énorme. Mais c’est justement cette part de risque que j’aimerai saluer. Le film a été en partie financé grâce au système de financement participatif par l’intermédiaire de MyMajorCompany. En surfant sur la vague de Phone Game, 127 heures ou encore Buried, il fallait du courage pour qu’un film français s’engage dans le difficile exercice du huit-clos statique comme j’aime à l’appeler, même si là il s’agirait plus d’un « huit-clos extérieur ». Parce que oui, le film "Piégé" a ce parfum du risque qui, selon moi, manque au cinéma français aujourd’hui. Parce que même s’il n’est pas parfait, ni très bon, ni mauvais, je trouve le film intéressant dans sa démarche qui se différencie des films français habituels.
Et là où le film est encore plus honorable, c’est qu’il s’agit d’un premier film pour le réalisateur Yannick Saillet qui a également participé au développement du scénario. Et c’est en ce sens que je trouve cela courageux et très appréciable.
Pour ce qui est de l’aspect réalisation, le film est bien conçu, beaucoup de plans esthétiques, largement appuyés par les paysages désertiques somptueux ainsi que des jeux de lumières magnifiques sur certains plans. On rentre directement dans l’action, bien que la caméra à l’épaule, les mouvements brusques et le cadre instable permanent du début de film sont un peu trop prononcés et ont quelque peu dérangé mon nerf optique.
La suite est simple : une mine et un homme qui ne doit pas bouger sous peine de se voir exploser en lambeaux. Et c’est là que l’exercice est intéressant et difficile. Et ça se sent. La durée du film est d’1h18, une durée pourtant relativement courte par rapport au format de durée habituelle fixée généralement au dessus d’1h25. Mais même avec un temps si court pour le film, on ressent que tout est un peu étiré, que certains plans sont volontairement traînés en longueur et que tout n’est pas exploité à son maximum.
Le personnage principal interagit avec d’autres personnages, mais sans profondeur, sans réel intérêt et qui ne sert pas toujours l’histoire ou le propos de façon suffisante et convaincante.
Je trouve par exemple que le personnage de l’otage féminine a été clairement sous-exploitée ce qui est un problème en soit car elle est liée à la fin du film…
Il faut quand même souligner la prestation de Pascal Elbé qui porte à lui-seul le film sur ses épaules puisqu’il est quasiment seul à l’image pendant près d’1h. On est loin de la performance d’un Tom Hanks dans Seul au Monde, mais on peut s’imaginer la difficulté pour un acteur de devoir percer l’écran pendant 1h non-stop. Pascal Elbé s’en sort bien, je trouve, surtout que durant tout le tournage, le réalisateur a souhaité que Pascal Elbé soit logé dans un hôtel différent de celui où était logé le reste de l’équipe afin qu’il ressente le sentiment d'isolement de son personnage malgré la présence de l'équipe du tournage autour de lui. L'acteur a aussi dû subir les conditions climatiques extrêmes, les températures élevées qui variaient sans cesse et les tempêtes de sable. Pascal Elbé ne s’en tire donc pas si mal, même si dans le film et dans son jeu, il est parfois trop peu expressif. Il faut dire qu’il n’est pas non plus aidé par certaines répliques qui sonnent creuses et fausses par rapport au danger réel et aux enjeux de l’histoire. Quant aux peu de dialogues qu’il a avec les autres personnages, il n’est pas non plus aidé par l'absence de profondeur et d’enjeux véritables dans ces interactions.
C’est dommage car l’idée était bonne, le concept exploitable, mais le film manque d’actions, de péripéties et de rebondissements retentissants. Un problème lorsqu’on sait en plus que ce ne sont pas moins de 4 auteurs qui ont développé ensemble le scénario.
Quant à la fin du film, le choix pris est pas forcément attendu, mais cela arrive un peu comme un cheveu sur la soupe qui fait que l’émotion n’est pas forcément au rendez-vous, notamment à cause de ce manque de profondeur, d’enjeux entre les personnages et de ces ficelles scénaristiques pas suffisamment exploitées durant tout le film, qui a donc forcément un impact direct sur le final et ses personnages pour réussir à embarquer complètement le spectateur.
En conclusion, "Piégé" est un film français intéressant, honorable et audacieux. Pour un premier film, la réalisation est plutôt bien traitée, ce qui ne suffit malheureusement pas à équilibrer avec un scénario trop pauvre, pas aussi audacieux que le concept en lui-même, et qui se fait ressentir durant tout le film. Néanmoins, l’exercice de style est louable et c’est selon moi dans cette voie que le cinéma français devrait persister.