« Batman V Superman » est un film qui réunit 2 des plus grandes figures mythiques modernes – avec en prime la promesse d’un duel épique entre elles deux. C’est une œuvre qui a d’indéniables qualités, mais souffre par ailleurs de défauts non négligeables. Le film n’est pas mauvais, pas plus qu’il n’est bon d’ailleurs. Le fait est que si le génie visuel de Zack Snyder n’est plus à remettre en question (300, Watchmen…), sa place en tant que scénariste est très discutée (Man Of Steel par exemple). Du coup, quid de ce film ?
Tout d’abord les personnages. Nous connaissions déjà Superman depuis « Man Of Steel », alors toute l’attention était tournée vers le nouveau Batman (qui se devait de passer après celui de Nolan, ce qui n’est pas une mince affaire). Ben Affleck nous livre une performance convainquante : on ressent le regard cynique que porte Bruce sur le monde –dû à sa longue expérience à Gotham-, il est plus vieux, plus sombre, plus violent. Il a déjà perdu beaucoup (Robin mort, manoir wayne en ruine) et ne semble même plus se soucier de tuer ses ennemis (ce qui est tout de même un choix contestable : le fait de ne jamais tué était ce qui le démarquait des autres justiciers). En bref : c’est un Batman déglingué et près à tout pour sauver des vies innocentes que l’on a devant nous. D’ailleurs sa scène d’introduction était très réussie et impressionnante, on ressentait vraiment la destruction de Metropolis (on voit où est passé le budget). Mais le problème, c’est que le vrai Batman est avant tout Bruce Wayne, un playboy philanthrope et fin détective. Or, Ben Affleck joue très bien le rôle du Batman vieux et violent, mais c’est tout. Nul trace d’un playboy, d’un philanthrope et encore moins d’un détective (sauf si planter des mouchards au sniper peut en faire un détective). Quand on le voit en public, on a l’impression qu’il s’apprête à monter sur un ring (ses yeux sont pleins de violence refoulée). Et n’oublions pas que le vrai Batman est avant tout un maitre de l’ombre qu’il utilise à son avantage pour jouer les ninjas et surprendre ses ennemis. Dans ce film, c’est juste un bourrin qui annonce son arrivé à grand coup de mitrailleuse et d’explosion de voitures, qui défonce les fenêtres et tabasse tout le monde. Pas très discret. Si on aime le style bourrin/montagne de muscle alors le personnage fera l’affaire, mais si on apprécie le Batman d’origine sous toutes ses facettes et ses talents, alors mieux vaut rester chez Nolan. Quant à Alfred, on regrette de ne pas plus le voir à l’écran : il a ce qu’il faut d’humour grinçant.
Lex Luthor est également décevant. Jesse Eisenberg sur-joue et ça se voit. Il incarne un jeune homme tellement psychotique que l’on se demande comment il fait pour tenir debout, encore plus pour diriger une entreprise qui vaut des milliards (il a quand même failli perdre les pédales pendant un discours public, comme ça sans raison…). Son personnage conviendrait plus pour un film « Joker : Origin » que pour Lex Luthor, homme en principe trentenaire et chauve, calme, pragmatique et manipulateur à souhait.
On appréciera le fait que chaque personnage à son histoire (Superman doit affronter les conséquences de son existence, Batman mène une enquête sur Superman engendré par ses craintes et sa longue expérience, Lex Luthor joue sur tous les plans pour parvenir à ses fins). Seule Gal Gadot n’a pas eu le droit à une véritable histoire, mais son retrait entraîne un petit côté mystérieux qui colle plutôt bien à son personnage. Le film prend le parti de se concentrer sur la psychologie de chaque protagoniste, de leurs évolutions, leurs craintes (à travers des flash-backs par exemple). Cette lenteur dans le récit peut en exaspéré certains, mais pour qu’un duel soit réussi (surtout celui-là), il faut d’abord de bons enjeux, faire «monter la sauce». Et quand cela apporte une vraie dimension psychologique au nouveau Batman, alors c’est tout bon. Seulement voilà tout le problème : Zack Snyder a fait un film lent, réfléchis, profond (pour un blockbuster en tout cas). Mais ça contraste totalement avec les scènes d’actions ultra bourrines que l’on a à la fin (
je fais surtout référence à la bouillie visuelle du combat contre Doomsday
). Du coup le rythme est très mal dosé : on aurait préféré que le « grand combat » soit entre Batman et Superman, comme l’annonçait le titre. Au lieu de quoi le combat est vite torché, et on passe d’un coup au « vrai » méchant qui sort de nulle part - presque littéralement :
transformer un corps « humain » en monstre géant (en dépit des lois de la physique) après avoir infiltré un vaisseau Alien technologiquement supérieur de milliers d’années sur nous avec juste des empreintes digitales… Heum… How about no ?
Le fait est que le sujet du film – ce pour quoi les gens ont « signés »- est le duel entre les deux héros. Mais ce dernier est perdu entre une trop longue attente et un duel final tellement énorme qu’il ne peut que nous marquer. Et le duel alors ? Eh bien il ne sert à rien. Mais vraiment :
Superman aurait tout expliqué dès le début à Batman sans tomber dans tous ces pièges, ils ne se seraient pas battus et l’issue finale (le sauvetage de Martha, la création de Doomsday…) n’aurait pas changée pour autant.
En fait, ce combat était réellement optionnel. Ça aurait presque pu être une scène coupée si ce n’était pas le titre du film. Or quand ce même film nous promet « le combat du siècle », constater que ce dernier ne sert à rien c’est un peu abusé et on a l’impression de s’être fait ba*ser.
Et parlons-en de ce duel : en dehors d’un Batman qui traverse les buildings à la vitesse du son sans prendre une égratignure et d’un Superman pas fichu de l’immobiliser dès le début pour lui expliquer ses intentions, ça ne ressemble un peu à rien et on n’y croit pas. Et puis franchement, on aurait pu nous épargner le cliché des héros se battant sous un orage, leurs torses mouillés par la pluie battante, se donnant mille coups de poing sans avoir le moindre bleu… C’est tellement cliché que ça en devient lourd
– car Superman n’était qu’un simple humain au contact de la kryptonite, alors au premier coup de Batman il aurait dû avoir le crâne défoncé (au moins)
. Il faut aussi arrêter les références à la Bible (la lance de Batman, Jésus= superman…), on a bien compris que l’on pouvait mettre en parallèle les figures mythologiques américaines et européennes mais maintenant ça suffit, c’est trop. De même pour les plans iconiques : Snyder est doué pour l’image, mais il ne faut pas confondre « filmer une scène » et « faire une peinture ». Les héros alignés qui prennent tous la pose au ralentit au milieu des flammes, ça pourrait passer s’il n’y avait que ça. Mais ce genre de plans revient trop souvent, ce qui fait que le film donne l’impression d’avoir été trop calculé, trop réfléchis au poil près : il ne respire pas et ça se ressent.
Quant aux méta-humains, quand est-il ? Qui sont-ils, d’où viennent t’ils ? A part voir un homme barbu un peu ridicule en costume de sirène, on en sait pas plus ? Eh bien non. Ce film est juste là pour amener la Justice League, et c’est peut-être ça qui est à l’origine de tous les problèmes du film. DC veut concurrencer Marvel et ses Avengers, c’est une question de business et rien d‘autre, il serait hypocrite de prétendre le contraire (et pourtant je préfère DC à Marvel). Le fait est que l’envie n’y est pas, et tout le talent visuel d’un Zack Snyder n’y pourra rien. Aspect visuel d’ailleurs bien terne – mettre un filtre gris était-il vraiment nécessaire quand l’histoire se passe déjà la nuit ? Au final le film est long, beaucoup trop long et beaucoup trop gris. Ce qui en fait un film lourd. Quand on ressort de la séance, on a l’impression d’être passé sous un rouleau compresseur (d’ailleurs pas mal de gens ont quittés la salle pendant le film). DC veut nous en mettre tellement plein la vue qu’ils nous en mettent TROP la vue, et c’est un vrai problème car le film devient vite indigeste. Et finalement, on y retrouve le même défaut que dans Man Of Steel : on finit par regarder sa montre et se demander quand ça finit. Un format 2h00 serait préférable à 2h30, surtout si c’est pour nous pondre un duel final qui -avouons-le- était franchement là pour contenter le grand public.
Au final le plus gros défaut du film, c’est d’avoir mis comme sujet principal une scène sans réels enjeux, qui ne change rien au scénario et qui est donc totalement optionnelle (scène assez courte et très clichée qui plus est). La seule surprise du film aura été
la mort de Superman. Espérons juste que DC garde ses cou*lles jusqu’au bout et ne le ressuscite pas dans un prochain film, sinon ce « Dawn of justice » aura vraiment perdu tout intérêt.
Alors on aura beau dire « DC est volontairement sombre c’est plus mature, les héros sont iconiques, etc… », ça n’excuse pas tous les défauts précédemment cités. Nolan a prouvé que la modération –tant au niveau de l’image qu’à celui de l’écriture- était nécessaire pour une bonne adaptation cinématographique et que cela n’enlevait rien au côté sombre de DC. Je mets tout de même la moyenne (presque à contrecœur) pour pas mal de scènes visuellement très brillantes ainsi que pour les enjeux soulevés et les questions philosophiques (pas exceptionnelles, mais présentes quand même) qui manquent aux blockbusters d’aujourd’hui. Et à DC je dis ceci : Laissez Snyder s’occuper du visuel mais donnez l’écriture du scénario à un autre ; arrêter de vouloir trop en faire, laissez respirer vos films, stoppez les titres racoleurs et là on partira sur de meilleure bases.