Au cinéma, de plus en plus, ce qui m'intéresse c'est le temps, la durée, cette matière impalpable qui s'écoule et les détails qui émergent. On pourrait dire que Slow Life est un film lent mais je me méfie de ce mot de lenteur, on a trop l'habitude de conjuguer ensemble "long, lent et ennuyeux".
Christian Merlhiot pose sa caméra à un endroit très particulier de vie, là où la vie et la mort se frôlent, se frottent. Il pose sa caméra à cet endroit-là sans idée fixe, sans pensée préalable, sans discours préétabli. Je pense à Proust et au "petit pan de mur jaune". Le grand Bergotte va mourir, il le sait, il revoit ce tableau de Vermeer qu'il aime tant. Il l'a vu tant de fois durant sa longue vie et pourtant, ce n'est que lors de cette dernière vision, aux frontières de la mort, qu'il découvre, qu'il voit pour la première fois, ce petit bout de mur jaune, détail minuscule mais qui sur le moment emplit tout le tableau.
Christian Merlhiot filme le Japon les "petits pans de mur jaune", parce qu'ils sont nombreux, parce qu'on les a sous les yeux, tout le temps. La plupart du temps, trop occupés à vivre nos vies, nous ne les voyons pas. Le cinéma est peut-être là pour les révéler.
Olivier Steiner