J'ai été, jusqu'à présent, une inconditionnelle des frères Dardenne. Rosetta..... L'enfant..... De merveilleux films enracinés dans la vraie vie, la vie dure.
Donc, en voyant Deux jours, une nuit, je tombe de haut. Le point de départ est le plus crétin qui se puisse imaginer. Sandra sort d'une dépression [à vrai dire, le spectateur se demande si elle est si guérie que cela en la voyant s'enfiler des Xanax comme des pastilles Ricqlès, se fourrer au lit tout habillée (bonjour l'hygiène!) dans la journée et nourrir ses enfants d'immondes pizzas surgelées]. Elle veut reprendre son travail, mais voilà, son patron a déclaré à sa quinzaine de salariés qu'il la reprendrait.... s'ils renonçaient à leur prime de 1000€.
Vous imaginez que cela se passe comme ça dans la vraie vie? Vous imaginez un seul instant un VRAI patron proposant ce deal à ses ouvriers? Assorti d'un vote en plus! Vous imaginez que pour un patron, quinze fois 1000€ ça représente la charge d'un cdi? Et puis, je ne puis croire qu'en Belgique les lois sociales soient très différentes des lois françaises, et qu'un salarié qui revient de congé de maladie ne soit pas protégé....
Poussé par son mari (Fabrizio Rongione), Sandra va aller faire du porte à porte pour convaincre ses collègues de renoncer à leur prime.... Elle se décourage, elle pleure, elle a honte d'une démarche humiliante (on la comprend): rien à dire sur Marion Cotillard, elle est parfaite. Elle traduit très bien les hauts et les bas de son moral. Trottant comme Rosetta, mais avec moins de pugnacité, sauf que voilà: elle ne nous émeut pas comme Rosetta.....
On peut dire que c'est un film raté sur la solidarité de la classe ouvrière. Dans le monde des bisounours des Dardenne, les crocodiles sont évidemment le patron, le contremaitre (surtout lui, le traitre à sa condition! passage express d'Olivier Gourmet), plus quelques égoïstes qui, comme par hasard, sont aussi des brutes qui cognent leurs copains et leurs femmes. D'ailleurs, une collègue de Sandra, dégoûtée par le refus de son compagnon de mettre au pot, décide de le quitter et de demander le divorce. Ah mais!
Inutile donc de voir ce pensum aussi convainquant qu'un discours de Jean Luc Mélenchon. Un film social ne vaut que s'il est enraciné sur du vrai, du vécu, pas sur un scénario à la mords-moi-le-nœud. Mais bon: comme après Mélenchon, les spectateurs de ma salle ont APPLAUDI! Et deux ont failli en venir aux mains, je n'ai pas tout entendu, mais comme l'un des deux revendiquait sa qualité d'ancien patron, j'imagine qu'il avait eu quelque chose à redire au scénar......