"Deux jours, une nuit" pose la question de la dignité et de l’influence du regard d’autrui : jusqu’à quelle extrémité peut-on aller pour parvenir à ses fins ? Marion Cotillard, bouleversante, doit rendre visite à tous les collègues de son personnage pour essayer de les convaincre de renoncer à leur prime, dans le but d’empêcher son renvoi. Pour ce faire, Sandra va user de tous les arguments en sa possession, élaborer un discours formaté qu’elle va modifier au gré de la personnalité de ses interlocuteurs. Par conséquent, chaque entrevue est très différente de la précédente et parvient à faire émerger la vérité dissimulée derrière chaque ouvrier. En effet, un simple dialogue, un échange de regard, une décision, un ton dans la voix, chaque détail de chaque rencontre jusqu’au refus même de confronter Sandra, permet de comprendre la personnalité de chacun, savoir quels sont ses difficultés, ses priorités, les valeurs qu’il défend… C’est évidemment très beau, et douloureux dans la mesure où on partage complètement la peine de la jeune femme, jusqu’à éprouver une boule au ventre avant chaque rencontre, se demandant si on va réussir à faire changer d’avis la personne en face de soi. Les Dardenne ont énormément travaillé sur l’empathie, aidant à saisir en un regard la détresse de Sandra, perdue dans la contemplation d’oiseaux et faisant part de son désir d’être parmi eux – la plus belle scène du film ? Quant à la fin, elle répond à la question posée au début : non, il n’y a aucune honte à se battre pour retrouver son emploi, à condition de ne pas causer de tort aux autres. Comment mettre les gens en face de leur vérité pourrait être une activité indigne, alors même que cela peut permettre d’améliorer l’existence de chacun ? Ce n’est humiliant que si l’on ne croit pas en soi et qu’on imagine une supériorité inhérente aux autres, mais il suffit de dépasser ce sentiment pour se rendre compte que seule la solidarité est au-dessus de tout.