Depuis ses nominations au Festival de Cannes en mai dernier j'attendais de voir ce que valait vraiment ce film, on nous l'a bien vendu il faut le dire, "Cotillard exceptionnelle, favorite pour l'interprétation", "film en tête de liste pour la Palme d'Or" etc, et au final et bien je suis pour ma part extrêmement mitigé voir même déçu.
Les Dardenne exposent un sujet forcément sensible, celui de la précarité, ainsi que de la cruauté individualiste, ils proposent une mise en scène tout en sincérité faisant pour le coup briller Marion Cotillard qui est excellente, ils prennent soin de poser leur caméra de manière subtile et sans fioritures, bref je ne doute pas une seconde de leurs bonnes intentions.
Mais je dois dire que le scénario m'a paru quelque peu décousu, autant le film démarre bien et on est directement en empathie avec cette femme qui veut se battre contre l'injustice sociale et de ce procédé quelque peu machiavélique de son employeur, mais petit à petit on s'y perd, déjà par l'exagération de la psychologique du personnage de Cotillard, certes névrosé mais qui peine finalement à réellement convaincre dans le sens où personnellement j'ai du mal à imaginer une jeune femme trentenaire mère de famille avec un mari autant s'effondrer pour une perte d'emploi, je veux bien que la crise soit implacable mais je trouve la réaction un peu démesurée, comme si on lui avait pronostiquée un cancer incurable, le chômage est un statut difficile mais ce n'est pas une telle fatalité non plus, d'ailleurs je pense même que les Dardenne on voulu volontairement inspirer ce sentiment, celui d'une "petite mort sociale". À ce moment là pourquoi ne pas choisir de mettre en scène une cinquantenaire célibataire, l'empathie aurait sans doute été plus importante, bien que pour le coup ça pourrait aussi paraître explicitement démagogique, je sais pas ...
La redondance scénaristique m'a vraiment fatigué, j'ai franchement eu la sensation d'un assemblage de séquences quasi identiques où le personnage de Cotillard va quémander le vote de ses collègues en sa faveur en frappant tour à tour à leur porte, quasiment toujours les mêmes dialogues "tu peux pas voter pour que je garde mon emploi ? Qui l'a fait pour le moment ?"; On va me dire que c'est aussi le reflet de la réalité, je suis d'accord, la vie n'est pas toujours calibrée, mais alors pourquoi la filmer comme ça en faisant tourner son spectateur en rond ? Ça n'inspire pas une quelconque volonté d'accrocher l'auditoire de créer des boucles, enfin je peux comprendre que ce genre d'articulation peut sembler "réaliste" pour beaucoup mais moi ça m'a limite fait râler devant ma télé passé l'heure de film (et encore ça continu après ...).
Et la fin est limite trop facile, pourquoi idéaliser le propos alors que ce registre pouvait conclure sur une note pessimiste et fataliste ? Pour le coup j'ai eu du mal à comprendre par rapport justement au degré de tangibilité, cela peut bien sur arriver mais au final on se dit limite "tout ça pour ça ?".
"Deux jours, une nuit" reste tout de même un film intéressant quand au traitement de son idée, cette sincérité des Dardenne et la qualité d'interprétation élèvent le film mais ne gomment malheureusement pas ces défauts de redondance narrative.