La conquête spatiale fut un énorme combat, d'autant plus qu'il relevait directement de la guerre froide où les deux camps opposés, USA et URSS, cherchaient par tous les moyens à surpasser l'autre dans n'importe quel domaine. Les USA sortirent grands vainqueurs de ce conflit, mais qui sait que cette victoire est principalement due à des femmes noires ? Voilà ce que nous propose de découvrir "Les Figures de l'Ombre" : comment Katherine, Dorothy et Mary ont réussi à s'imposer en tant que femmes noires scientifiques dans un pays ouvertement ségrégationniste et un milieu de travail majoritairement machiste. Alors soyons franc direct : oui, le sujet du racisme lors de ces sombres années qu'a connu les USA a déjà été abordé pas mal de fois ; et oui, la réalisation ultra classique adoptée par Théodore Melfi ne laisse aucune place à la fantaisie et ne révolutionnera pas le métier...mais le récit est tellement prenant qu'on en oublie très vite ces petits défauts. L’histoire de ces « combattantes » demeure une aventure universellement forte que l’on suit avec intérêt, en particulier grâce au dynamisme de ces trois jeunes femmes admirables qui parviennent à surmonter tous les obstacles avec un humour et détachement certains : malgré la gravité des propos, on se surprend à rire avec elle des situations absurdes qui leur sont imposées comme celle
les obligeant à à perdre un temps énorme et précieux pour se rendre aux toilettes réservées aux « personnes de couleur » qui se situent à presque 1km de leur bureau !!!
D'ailleurs, l'une des plus belles et fortes séquences du film découlera directement de cette situation aberrante :
Kevin Costner détruit l’enseigne à la masse en déclarant à tous que « à la NASA, on pisse tous de la même couleur !»
...c'est drôle, ironique, fort et beau. La force principale du film tient surtout sur deux points : 01) même si certains diront qu'il exploite au maximum la corde des bons sentiments, le réalisateur s’attarde beaucoup sur ses héroïnes en insistant sur leur amitié ainsi qu'en développant à chacune leur vie personnelle : cela permet une très forte empathie du spectateur envers ce trio remarquable qui a véritablement envie de les voir s'épanouir. 02) Nous avons la chance de pouvoir découvrir les rouages de cet univers top-secret de la conquête spatiale comme rarement un métrage l'a permis auparavant : cela constitue l’un des intérêts essentiels du film, d'autant plus que cela nous permet de mieux nous rendre compte qu'on observe une Amérique en totale mutation à cette époque (avancée des droits civiques, arrivée de l’ère informatique, progrès scientifiques...) malgré la course à la compétition avec le bloc soviétique. Je terminerais en soulignant les très bonnes prestations du casting : le trio principal, composé d'Octavia Spencer, Taraji P. Henson et Janelle Monae) est d'une justesse nickel, entre drôlerie et gravité, nous permettant de nous attacher sans problèmes à leurs personnages ; Kevin Costner est toujours aussi charismatique dans son rôle de patron au grand cœur ; et, même si on ne les voit pas tant que ça, une petite mention spéciale pour Kirsten Dunst et Jim Parsons. S’il ne révolutionne pas le genre avec sa mise en scène très académique et son contexte social déjà vu, "Les Figures de l’Ombre" est avant tout un hymne à l’intelligence et à la persévérance, une belle aventure humaine, et une leçon de courage et de bravoure doublée d’un récit intéressant que l’on suit sans peine, en grande partie grâce à l’attrait de ses trois protagonistes qui auront marqué l'Histoire (Katherine Johnson participera au programme de lancement d’Apollo 11, Dorothy Vaughan sera la première femme à maitriser l’informatique et Mary Jackson sera la première femme ingénieur de la NASA...rien que ça !!). Intéressant, prenant, touchant et enrichissant : un beau film comme on aimerait en voir plus souvent.