Il faut voir ce très intéressant et instructif documentaire pour comprendre ce qui s’est joué dans la lutte des Conti contre le patronat. Non pas seulement l’avenir de 1120 ouvriers mais bien le maintien de la paix sociale en France voire en Europe. Il apparaît en effet clairement, pour qui sait lire le filigrane, que l’accord arraché par le « conseil ouvrier » (dûment représenté par les OS et leur conseiller, qui auraient toujours obtenu l’aval des ouvriers sur les propositions...qu’ils leur avaient eux-mêmes faites !), quoi qu’il ait coûté à la direction du groupe, (dix fois plus que prévu), n’est en rien une victoire pour les ouvriers (dont au moins 300 restent actuellement sur le carreau - sans compter les dépressions, divorces, suicides), pas même une victoire « à la Pyrrhus » comme le dit un des intervenants du film, mais une simple monnaie d’échange pour apaiser la colère des ouvriers.
Le mouvement des Conti n’est évidemment en rien spontané : les 1120 ouvriers furent emmenés par le cégétiste Xavier Mathieu et son conseiller et éminence grise Roland Szpirko, présenté d’abord comme un brave syndicaliste retraité de chez Chausson, mais qui s’avère rapidement (difficile de le cacher au spectateur compatissant au sort des ouvriers) surtout un habile politicien militant de Lutte ouvrière, conseiller municipal à Creil (et, comme le prouveront ses interventions d’après séance ce 30 avril à la Maison de la Culture d’Amiens un fanatique révolutionnaire qui méprise les nationalistes et les réacs qui ont l’outrecuidance de se demander pourquoi il n’a pas cherché à sauver l’usine par reprise de l’activité sous forme de coopérative, comme cela a pu se faire ailleurs ; non, son ennemi est le capital, et le salut ne peut venir que de la collectivisation ouvrière selon lui, et sans la moindre interrogation ni hésitation à ce sujet, en bon utopiste messianique planétarien). Le but de Szpirko n’est pas de sauver les emplois ou l’usine, mais, il le dit clairement, de « limiter la casse », comme un vulgaire réformiste ; à aucun moment, il ne cherche à ce que le conflit dégénère en lutte armée ou en embryon de révolution (les actions à Sarreguemines ou en Allemagne étant là pour occuper le terrain médiatique plus que pour fomenter quoi que ce soit), mais bien à calmer le jeu tout en apparaissant comme l’homme providentiel qui va leur permettre d’obtenir des conditions de licenciement bien supérieures à celles prévues au départ. Ce qui vaudra à son parti - envers lequel beaucoup sont au début réticent - des remerciements électoraux dont il se félicite (à ce qu’il dit après la projection, sa plus belle victoire semble être d’avoir fait basculer un ouvrier qui votait FN vers le gauchisme ! oui, on en est là, avec ces fanatiques....) On comprend donc que, même s’ils ont apparemment obtenu plus qu’espéré, les Conti ont en fait été autant baladés par leurs représentants (le pauvre Mathieu étant lui-même manifestement manipulé par le trotsko Szpirko) que par les patrons et l’Etat (qui, jusqu'à la dernière minute, à essayer de se défiler de la signature des accords). Et pour des raisons qui se rejoignent au fond ; car plus la situation des ouvriers français et européens dégénérera, plus la colère montera, et plus grandes seront les chances d’un mouvement révolutionnaire de masse seul capable de précipiter à la fois mondialisation et collectivisation des moyens de productions. Du moins, est-ce ce qu’escomptent autant les révolutionnaires trotskystes que les patrons « libéraux » (la seule liberté qui les intéresse est la leur, et faire travailler les ouvriers pour rien, comme en URSS, est encore mieux que de les payer ; mais pour les amener à faire ce choix aberrant et drastique, il faut d’abord les désespérer en détruisant préalablement les emplois pour les pousser à bout ; mais pas trop quand même, il ne faudrait pas qu’ils deviennent malins et renversent le mouvement dans un sens réactionnaire ! aussi ne va-t-on pas jusqu'à les affamer, ce qui risquerait de les rendre incontrôlables - ou un peu moins manipulables).
Comme je l’ai déjà dit, Szpirko s’est avéré être un monomaniaque du Grand Soir : il faut voir dans sa haine du nationalisme et du patriotisme le sentiment de celui qui n’agit que dans l’intérêt (patriotard pour le coup) d’Israël, guidé par le messianisme de la nation juive (cf. Leur jeunesse et la nôtre: L'espérance révolutionnaire au fil des générations de Jean Birnbaum). Il faut donc désigner un autre ennemi - un autre bouc émissaire - que le juif apatride pour détourner les soupçons, à savoir le patron capitaliste (blanc et chrétien de préférence, mais les patrons juifs ou maçons jouent encore mieux - et bien plus volontiers - ce rôle de salauds, eux qui n’hésitent pas à enfoncer l’ouvrier pour faire triompher leur cause, tout en se gavant de profits au passage. Szpirko a beau essayer de faire croire que les Conti, comme les ouvriers révolutionnaires de demain, s’autogèrent, la vérité est qu’il est le vrai chef - à peine - dans l’ombre. Ayant lui-même pour maître Satan, celui qui divise le peuple contre lui-même : ouvrier contre patron, femme contre homme, jeune contre vieux etc etc.