Cela faisait neuf ans. Neuf ans qu’on avait quitté Woody, Buzz et leurs amis. La franchise ‘’Toy Story’’, inauguré en 1995 est probablement une des plus riches en terme d’univers, et paradoxalement une des plus rares à l’écran (quatre épisodes en 24 ans). D’autant plus que pour beaucoup, la saga s’était terminé en apothéose avec l’épisode 3 où la boucle semblait être bouclé pour les jouets. Pourtant, Pixar ne l’a pas entendu de cette oreille en se lançant dans la création d’un quatrième opus. La crainte forcément s’est mis à envahir les esprits : ce quatrième film parviendra t-il à trouver sa légitimité et sa place après une trilogie parfaite ? Et la réponse est oui : ‘’Toy Story 4’’ en plus d’être une nouvelle fois innovant parvient définitivement à clore certains aspects de la saga.
Woody et les anciens jouets d’Andy vivent désormais chez la petite Bonnie. Mais alors que Woody est de nouveau délaissé par sa propriétaire, Bonnie lors de son premier jour de classe fabrique un nouveau jouet : Forky (Fourchette en vf). Ce dernier devient très vite le jouet préféré de Bonnie. Jusqu’au jour où Forky durant un voyage de vacances se jette hors du camping-car. Woody qui cherche à tout prix à rendre Bonnie heureuse se lance à la recherche de Forky. Le cow-boy n’est pas au bout de ses surprises.
Le risque était grand. Pas au niveau du box-office, c’est sûr, Pixar n’a (et n’aura) rien à craindre de ce côté-là. Cependant, au niveau qualitatif, on ne rigole pas avec la franchise ‘’Toy Story’’. Deux questions se posent : ‘’Toy Story 4’’ est-il déjà une réussite et ensuite est-ce un film utile à la saga ? L’un n’inclut pas forcément l’autre comme on a pu le voir avec une autre suite de Pixar : ‘’Les Indestructibles 2’’. En effet, si le film en lui-même était plaisant à regarder, il était aussi tout à fait oubliable et n’enrichissait pas vraiment ‘’Les Indestructibles’’ premier du nom (que ce soit en terme de thématiques ou en terme de nouveaux personnages marquant). Mais ce n’est pas le cas avec ‘’Toy Story 4’’ qui, en plus d’être très divertissant vient aussi apporter sa pierre à cet immense édifice qu’est ‘’Toy Story’’. Dans un premier temps, il faut reconnaître que cet opus est une réussite sur les plans de l’invention, de l’émotion et des visuels. Visuellement d’abord, ‘’Toy Story 4’’ est une pure merveille. Avec son budget blockbusteresque de 200 millions de dollars, le film émerveille par sa beauté. La précision des décors, le sens du détail (il y a beaucoup de poussières, pour illustrer le thème de la vieillesse au coeur du film), le travail de la lumière… tout cela rend délicieux la projection de ‘’Toy Story 4’’. On marche comme des gamins. Oui, mais voilà, ‘’Toy Story’’ est une franchise qui se différencie des autres franchises ‘’pour enfants’’. A la différence des autres œuvres de Disney, ‘’Toy Story’’ s’adresse aux enfants qui acceptent de grandir, qui acceptent de voir plus loin que leur nez. Bref, ‘’Toy Story’’ est d’une immense intelligence. Une intelligence qui passe avant toute chose par le plaisir de découvrir de nouveaux personnages (comme l’hilarant et presque poignant Duke Caboom) ou de nouveaux lieux (comme cette merveilleuse fête foraine ou cette inquiétante brocante). Une des plus grandes forces de la saga, c’est de rendre épique et démesurément grand des décors insignifiants pour l’humain. Ça ne rate pas ici ou tout est filmé à hauteur de jouets.
Mais tout le plaisir ressenti devant le film ne suffit pas pour répondre aux doutes des détracteurs de ce quatrième volet. Ne risquait-il pas d’être l’opus de trop, l’ ‘’Indiana Jones 4’’ de ‘’Toy Story’’ ? Et la réponse est non. Pour beaucoup, la fin de ‘’Toy Story 3’’ faisait office de conclusion. Des doutes étaient émis sur l’utilité de ce quatrième volet. Outre l’aspect pécuniaire de cette entreprise (ne nous mentons pas, ‘’Toy Story’’ cartonne), l’un des scénaristes Andrew Stanton a judicieusement souligné que ‘’Toy Story 3’’ mettait fin à l’histoire d’Andy (qui en grandissant a logiquement quitté ce monde) et pas à celle des jouets. A la fin de ‘’Toy Story 3’’, les jouets trouvaient une nouvelle propriétaire. Fin heureuse donc ? Non, douce amère car ce que montrait cette fin, c’était un éternel recommencement pour les jouets qui ne semblaient vivre que pour les enfants. Finalement, le début de ‘’Toy Story 3’’ où Andy a complètement délaissé ses jouets est tristement ce qui tôt ou tard arrivera avec Bonnie. ‘’Toy Story 3’’ était un excellent opus, pas une conclusion idéale. ‘’Toy Story 4’’ a compris cela et se sublime en se posant comme l’opus le plus mélancolique et triste (et non tragique comme pouvait l’être son prédécesseur). Dès le début, les enjeux sont posés : Woody (chouchou éternel d’Andy) est délaissé par Bonnie qui lui préfère son jouet fabriqué Forky. Mais les épisodes précédents n’auront pas servi à rien : Woody (clairement au centre de ce quatrième épisode) a acquiert au fil des trois films une forme de sagesse : la sagesse des anciens. S’il veut le bonheur de Bonnie, il sait rester humble sur sa condition et assume son statue ingrat de surveillant de Forky. Mais Woody est un jouet sur le retour, vieillissant. Et surtout Woody durant son périple va croiser Bo, la bergère. Disparue il y a 9 ans de cela (elle n’apparaît d’ailleurs pas dans le précédent volet), Bo est dorénavant un jouet indépendant, qui fait sa vie en dehors de toute considération pour les humains. Rien que ce personnage justifie à lui seul ce quatrième épisode tant il permet de dévoiler de nouvelles facettes de nos jouets préférés. En effet, il y a toujours eu une tristesse sous-jacente concernant le destin des jouets. Êtres devant sans cesse dissimuler leur vie aux humains, les jouets n’ont pas un destin très enviable. Ils sont destinés à amuser les enfants avant de finir abandonner. Certains de ces jouets finissent même par être dévastés (jusqu’à virer mal, comme ce fut le cas avec Lotso dans ‘’Toy Story 3’’. Ayant compris cela, la bergère a décidé de s’écarter du monde finalement cruel des humains. ‘’Toy Story’’ a toujours dit que le bonheur des enfants est plus important que tout autre chose. Ici, rien ne remet vraiment en cause cette affirmation. Pourtant, quel doit être le sort d’un jouet quand il n’est plus capable de procurer du bonheur à un enfant ? ‘’Toy Story 3’’ ne répondait que partiellement à cette question puisque le film ne prédisait aux jouets qu’un éternel recommencement (les jouets ne semblaient vivre que pour le plus grand bonheur des enfants et n’ont pas pour eux-mêmes). Woody sera confronter à cette dure réalité, se sentant de plus en plus inutile pour Bonnie (à mesure que Forkie prend conscience de son statut et s’accepte en tant que jouet). Mais à la différence d’un ‘’Tot Story 3’’, pas de recommencement : Woody a fait son temps.
Il le comprend et comprend pour lui qu’il est temps de se retirer. La fin du film, magnifiquement poignante a quelque chose de logique ; les films ‘’Toy Story’’ ont toujours refléter les différents moments de la vie (le premier film par exemple illustrait le moment où un enfant n’était plus l’enfant unique et devait partager son monde avec son ‘’petit frère’’). Il était donc logique que le vieux Woody (jouet ancien, construit dans les années 50) accepte de rejoindre la bergère et de quitter ses amis. Ayant admirablement servi sa cause, Woody a bien mérité sa retraite et aura jusque dans les derniers moments du film aider à rendre heureux les enfants et les jouets (notamment Gabby Gabby, ‘’l’antagoniste’’ du film). Cette fin ne,cherche pas à remettre en cause tout ce qu’avait fait ses prédécesseurs. En opposant les parcours de Woody et de Gabby Gabby (les deux protagonistes suivent un chemin inverse : Woody commence le film avec un propriétaire et s’en libère en fin de film là où Gabby Gabby vit dans la plus profonde solitude pour finalement se trouver une propriétaire),
le film décrit une nouvelle fois la quête du jouet à rendre heureux un enfant (le cas de Gabby Gabby) tout en proposant une manière de se retirer pour certains jouets (le cas de Bo
et de Woody
).
Ainsi, la fin est terriblement ambigü : est-elle heureuse ou malheureuse ? Woody se retire : est-ce pour lui une retraite méritée ou une forme de mort (la foire est d’une certaine manière un paradis pour jouets)?
Tant que ‘’Toy Story 4’’ n’aura pas de suite, chacun est libre de faire sa propre interprétation de cette fin, au demeurant ambigu.
Rien n’est plus beau pour un jouet que d’avoir un propriétaire. Le film rappelle cela avec Gabby Gabby (qui n’a jamais eu de propriétaire à cause de sa boîte vocale défectueuse). Cependant, un jouet est-il destiné à servir, servir et encore servir son propriétaire ? N’y a t-il pas d’autres alternatives ? ‘’Toy Story 4’’ pour la première fois dans la série propose de répondre à cette question avec le personnage de Bo (
puis de Woody
). Film sur la vieillesse, ce quatrième volet est une nouvelle fois génial. Si on peut regretter l’abandon de plusieurs parcours de personnages (comme Buzz), le film propose une évolution si riche concernant Woody qu’on est prêt à le lui pardonner. Intelligent, drôle, émouvant, poignant et inquiétant (on entend la chanson ‘’Midnight, the Stars and you’’ présent dans ‘’Shining’’ de Kubrick), ‘’Toy Story 4’’ est sans aucun doute une des œuvres récentes les plus matures de la part de Disney et Pixar.