Toy Story 4, ou un 4ᵉ défi pour une chronique. Ayant adoré cet univers en tant qu'enfant aussi bien qu'en tant qu'adulte, il faudrait pour bien faire que j'écrive une rétrospective complète. En attendant de régler le problème de ces chroniques tristement éparpillées, c'est sans surprise que ce dernier opus me partage : jusqu'à quel point dois-je voir Toy Story du point de vue de mon enfant intérieur ?
En tant que fan, je n'ai pas envie que la série se termine. Et puis de nouveaux films se justifient assez bien, finalement, par le fait que l'existence des jouets ne se mesure pas de même que la nôtre : l'enfance s'achève, mais un jouet perdure. À chaque changement de famille ou de génération, nos compagnons de jeunesse connaissent littéralement de nouvelles aventures qui méritent d'être racontées. C'est sur ce principe que la série entière a pu se permettre d'explorer pendant si longtemps les liens d'affection qui peuvent unir un enfant et son jouet, et de les célébrer en nous rappelant avec tendresse que, si les histoires qu'on s'invente dans l'enfance sont les plus belles et les plus précieuses, le jour viendra où il faudra savoir faire la part des choses entre l'animé et l'inanimé. Les jouets l'ont bien compris, ne dérogeant pas une fois (même quand ils viennent d'être fabriqués et sont encore… un peu perdus) à la règle d'or de l'univers : les humains ne doivent rien savoir de la vie des jouets. Aussi les beaux moments d'abnégation et d'altruisme continuent d'affluer dans ce film, comme celui où Woody, dévasté parce qu'il vient de perdre une amie, n'a pas le choix que de regagner son sourire de gentil cowboy lorsqu'Andy le trouve, sous la pluie, dans la rue, et le ramasse.
Retour à la ligne. J'écrase une larme. Je soupire.
Oui, Toy Story 4 est magnifique et cohérent. Cependant il montre aussi les symptômes d'une série qui a 25 ans, et cela pose des questions : à qui la faute, et est-ce grave ?
Je pense qu'il convient d'analyser les films à la lumière de l'enseignement qu'ils dispensent. En l'occurrence : les gens changent, et tout comme Woody et ses amis doivent accepter que le rapport qu'ils entretiennent avec le monde change, on doit accepter qu'il en aille de même pour notre rapport avec les films. La morale de Toy Story a toujours été la maturité et la capacité à passer à autre chose, et les réalisateurs successifs ont bien montré l'exemple : l'évolution de la technologie, les collègues et amis disparus à qui l'on rend hommage à la fin du générique, le succès à tout jamais légendaire de la franchise malgré la bisbille entre Disney et Pixar… Le studio a su montrer qu'ils ne sont pas que des passionnés d'animation, mais aussi des êtres humains qui savent de quoi ils parlent dans leurs leçons de vie. Et pour avoir baigné dans ces leçons depuis mon enfance, je ne peux que reconnaître que le film les applique également.
Mais bien que je tienne à reconnaître ces mérites, tout univers a ses limites au-delà desquelles la fiction perd de son sens, et Toy Story les franchit ici, pour la première fois selon moi. L'équilibre des personnages souffre, Buzz étant discrètement relégué à l'arrière-plan, et des nouveaux-venus encombrants faisant leur apparition (je ne me rappelle même pas du nom des deux peluches de fête foraine, et j'ai du mal à leur trouver une utilité). Le scénario se dissipe dans des scènes d'action superflues dans lesquelles surnagent les détails les plus intéressants : les connaisseurs auront par exemple repéré Tin Man, prototype du personnage de Woody, qui fait un caméo. En parlant de ça, il me semble que la carte de la nostalgie, des clins d'œil et du rétro, qui me paraissait promise par la présence importante de la boutique d'antiquités dans l'histoire, aurait pu être jouée avec davantage de confiance. Voilà qui aurait remporté quelques points chez les spectateurs les plus âgés (je me compte parmi eux) tout en donnant un second souffle assez peu risqué au récit. Au lieu de ça, le personnage de Gabby Gabby porte toute seule la responsabilité de faire résonner le lore de Toy Story dans le passé et le vintage ; c'est joli et la conclusion est vraiment ravissante (j'écrase une autre larme), mais malheureusement ça sonne creux pour un récit voulu dense, et la fin de son arc de rédemption est assez bâclée.
Bref : j'avais dit que je gardais la rétrospective pour plus tard. Pour conclure donc : un film compliqué, beau et dans la continuité de ses prédécesseurs, qui prend le risque de donner des leçons auxquelles on ne sera pas forcément prêt·e. Même en tant qu'adulte, j'ai par exemple du mal à accepter que Woody ait fait le bon choix en laissant derrière lui ses amis de toujours. Est-ce vraiment la trahison que je ressens, ou seulement mon enfant intérieur qui rechigne à grandir ? Comme quoi la série sait toujours poser les questions qui gênent, mais le temps qui passe entre les opus commence à révéler son double-tranchant, et je me demande ce qu'ils ont en tête pour le 5…