Le prodigieux réalisateur de Heat, Miami Vice ou encore Révélations, Michael Mann, de retour aux affaires en 2015 avec Hacker, n’aura pas conquis la majorité. Et pourtant. Le cinéaste s’attaque cette fois-ci à un thème récurrent de notre société interconnectée, la cybercriminalité, juxtaposant les thématiques telles que l’action, la géopolitique et la technicité pure pour nous offrir un thriller passablement exigeant. En effet, Mann n’entend pas s’appesantir sur une quelconque didactique pour approfondir le sujet du terrorisme informatique, nous propulsant dans un système dont nous sommes, pour bon nombre, étrangers, ne comprenant finalement que les conséquences de la programmation, de l’encodage et autres raffinements électroniques à dessein soit criminel soit informatif. Tambour battant, le réalisateur nous immerge dans une vaste et complexe course contre les malwares, de la surchauffe programmée d’un réacteur atomique chinois à un final glaçant, en passant par la manipulation des marchés boursiers.
Sans compromis narratif visant à éclairer les néophytes, Hollywood sait aussi faire des films s’adressant à un public averti, Michael Mann prend une nouvelle fois l’option de l’immersion brute, s’imposant une nouvelle fois comme un magicien de l’image, pourfendeur des plans stéréotypés du cinéma moderne, filmant l’action, l’activité humaine fourmillante des métropoles, avec un savoir-faire indéniablement unique. Le réalisateur, fidèle à sa réputation, ira même jusqu’à nous offrir une nouvelle fusillade tonitruante, balles réelles oblige, intercalée sobrement dans un procédé narratif complexe, sans que cela ne fasse tâche. Oui, l’action, Mann sait la filmer comme peu d’autres de ses collègues, la preuve en est également ce la séquence finale, en pleine manifestation culturelle indonésienne, ou le cinéaste parvient clairement à isoler le mouvement de ses protagonistes du reste de la foules, d’où de somptueux plans en mouvement. Ayant choisi, somme toute assez logiquement, l’Asie comme théâtre principal des évènements, Mann offre de somptueuses prises de vues, d’un naturel touchant, des paysages urbains chinois et indonésiens. Un régal pour la rétine.
Subtilement exigeant, le scénario, bien que n’étant pas la force primaire du long-métrage, semble découler d’une certaine recherche, le réalisateur dépeignant le monde virtuel à la manière d’un documentariste finalement peu soucieux du ressenti du public moyen. On pourrait qualifier la démarche d’élitiste, mais ne pas prendre les gens pour des ânes ne rime pas forcément avec mauvais scénario, la preuve en est de ce film, rapide dans son déroulement narratif. Délicieusement filmé, rythmé, Hacker, n’étant bien sûr pas le meilleur effort de son réalisateur, n’en demeure pas moins un film à la maturité contrastante avec le tout-venant hollywoodien actuel. Un fait indéniable qui me renforce dans mes opinions concernant le prestige de Michael Mann.
Finalement, le seul bémol, quoique celui-ci puisse être relatif ou tout-à-fait personnel, tient à l’attribution du rôle principal à Chris Hemsworth. Le comédien, coqueluche à la mode d’un public jeune et généreux, ne semble de prime abord pas taillé pour ce type de rôle, pour travailler sous la direction de ce type de cinéaste. Si au final, l’acteur semble s’en sortir avec une certaine aisance, son manque d’énergie, de charisme dans les dialogues, en font regrettablement le point faible du nouveau film de Michael Mann, réalisateur si talentueux qu’il ne mérite que le meilleur du côté des interprétations. Nous voilà donc bien loin des prestations d’acteurs de Heat, Collatéral et j’en passe, ce qui renvoie Hacker, en définitive, au bas de la filmographie de Mann. Une erreur de casting, donc, qui blesse lourdement la prestance d’un film pourtant excellent. 14/20