Il est bon qu’un film pose le problème de la cybercriminalité en montrant ce qu’elle est capable de provoquer, et ce ne sont que de petits exemples qui sont proposés dans ce film. Certes, ce thème n’est guère photogénique et le réalisateur n’évite guère cet écueil. Quoi de plus déprimant que de voir à l’écran ces abscondes lignes de langage C ou mieux, d’hexadécimal ? Heureux ces spécialistes qui dévorent ça dans le texte et le traduisent en un clin d’œil ! Alors, pour agrémenter ces minutes indispensables, Michael Mann nous fait voir en cinquante nuances de gris des images que Tron nous avait développées en couleurs. Après la cyber-attaque réussie sur la centrale nucléaire chinoise, au cœur pas très réaliste, le soufflé retombe dans un thriller classique, efficace mais au scénario un peu fumeux qui, de Los Angeles à Jakarta, s’émaille de tous les poncifs du genre, courses poursuites haletantes dans un tunnel labyrinthique, fusillades à l’arme lourde d’un grand réalisme mais sans grande utilité, amourette entre un héros qui possède plus de muscles que charisme et une ingénieur réseau à l’indubitable plastique et, pour clore cette épopée des temps modernes, des scènes ou la pyrotechnie est nécessairement présente. Comme dans les séries actuelles, on y trouve une femme, belle, un geek taulard, une flic sympa, et intelligente, un marshal consciencieux, un agent de la NSA plus borné qu’une route nationale, un méchant au manque de scrupules aussi important que son obésité, un nervi à la gueule propre à effrayer même un aveugle… Bien sûr, tout cela, le réalisateur le doit aux injonctions de producteurs qui louchent plus vers leur tiroir-caisse que vers les écrans.
Certes, le sujet est très actuel. On ne peut taire les indispensables attaques contre les centrifugeuses iraniennes ni passer sous silence les escroqueries et détournements de fond initiés grâce à de petits malwares ayant réussi à s’insinuer dans nos ordinateurs sous couvert de pièces jointes à la mortelle beauté. Certes, la toile tentaculaire tissée par la nécessaire communication voit augmenter, par notre refus de la régulation et du contrôle, les dangers potentiels que quelques malins génie du langage machine et de la stéganographie nous font courir. Certes les proxys cachant les IP de départs, les routeurs camouflant les traces des pervers de l’octet, l’ésotérique langage informatique hermétique au commun des mortels, l’immense complexité même des programmes de plusieurs mégaoctets, les giga-octets de données font qu’il est aujourd’hui plus aisé de retrouver une aiguille dans une meule de foin qu’un trojan dans une même centrale.
Bref, Michael Mann signe un thriller plaisant à regarder mais fort peu convaincant. Quant à sa fin, elle est fort convenue. Enfin, venue, peut-être pas…