Ces dernières années, Michael Mann s'était fait plutôt discret dans le monde du cinéma. Le spectateur généralement resté sur sa faim avec Public Enemies, il lui a fallu environ six années avant de revenir sur le devant de la scène avec son Hacker. Avec une filmographie essentiellement axée sur le thriller, Mann a su marquer les esprits par la virtuosité de sa mise en scène, sa manière de sublimer l'action et de maintenir le suspense. Heat en est la preuve formelle mais il y a également Le Sixième Sens, Collatéral ou encore Révélations. Mann fait ainsi partie de ces rares qui ont su préserver leur intégrité artistique, ce faisant de lui l'un des plus grands cinéastes de sa génération, doté entre-autre d'un savoir-faire qui lui est propre et d'une identité d'avant-garde.
2015 est donc l'année de sortie de son dernier film. Hacker n'aura cependant pas profité d'une promotion suffisamment étendue dans l'hexagone pour attirer le plus de spectateurs possible. Il a tout de même su attirer les amateurs de bon thriller et les fans du cinéaste pour profiter d'un public restreint bien plus ciblé. Car dès les premières minutes, le spectateur ne peut passer à côté de cette introduction en or. La représentation directe d'un hacking vue de nos propres yeux sur grand écran, une plongée franche et totale dans l'univers du film, il n'y a pas meilleure immersion...
Ce vœu si cher de miser essentiellement sur l'ultra-réalisme, Mann l'exploite toujours avec entrain. Il ne faut donc pas attendre un thriller orné d'action, d'explosions et de retournements pour l'estimer comme il se doit. Le réalisateur privilégie au contraire la minutie de son enquête, le détail toujours important. Dans sa trame, Mann fait preuve d'une modernité saisissante, très peu remarquée dans d'autres films du genre. Car il faut l'admettre, Hacker a la faculté de raconter son tout avec une véritable aisance, propre au réalisateur, une structure narrative irréprochable et d'une cohérence absolue, toujours construite en entonnoir.
Mann esthétise ce qui ne peut pas se voir à travers des images contemplatives d'une société illusoire et paranoïaque, dans laquelle les craintes du progrès techniques paraissent largement fondées. C'est dans cette ambiance songeuse et schizophrène que le spectateur se fond et suit l'enquête d'un Chris Hemsworth parfaitement utilisé, qui trouve ici un rôle à la mesure d'un talent, qu'il a réellement. Au-delà d'une structure narrative exigeante, Hacker bénéficie tout de même de ses séquences d'action, certes rares, mais d'une puissance absolument frappante. Nombrables sur les doigts de la main, elles libèrent une telle force qu'elles retournent le spectateur sur son fauteuil et accentuent ainsi le propos du film.
Michael Mann n'a plus vraiment a prouver aux yeux de tous l'étendue de son talent mais il a l'art de toujours nous ravir de sa maîtrise gigantesque. Sans être le renouveau d'un genre, Hacker fait preuve d'une actualité confirmée, un thriller contemporain de son époque mais qui, paradoxalement, a la faculté de libérer son propos avec une mise en scène virtuose et avant-gardiste, dotée de fulgurances stylistiques, visuelles et esthétiques. Hacker fait part d'une sophistication inédite, quoique connue chez le réalisateur et décrit l'instabilité d'un monde à travers des images et séquences que seul lui peut insuffler sur grand écran. Hacker est brillant, à l'image de son réalisateur.