Hacker comme par une scène de hacking vue de l'intérieur, comme si le ventre d'un gigantesque réseau informatique était ouvert sous nos yeux. Quelques secondes plus tard, une centrale nucléaire explose. Le message est clair : nous ne contrôlons plus rien, ni les causes, ni les effets. Et c'est par ce montage allant d'un piratage informatique à une catastrophe industrielle que Hacker veut nous faire croire qu'il maîtrise son sujet. On sait que Mann s'est beaucoup investi dans l'écriture du scénario : ses personnages parlent un langage obscur mais réaliste, où reviennent régulièrement les termes techniques (« malware », « dumpbase »), où il est question d'un programme secret nommé « Veuve noire » (dont l'utilité reste pourtant assez anecdotique dans le récit). Le monde du film est à l'image de son héros, Hathaway (le hacker incarné par Chris Hemsworth) : c'est un monde de spécialistes qui craquent des mots de passe, détournent des adresses IP et contemplent les données s'alignant sur les écrans comme des messages venus d'ailleurs. Un ingénieur travaillant dans la Silicon Valley aurait déclaré, en découvrant le film en janvier dernier : « Il s'agit probablement des scènes de hacking les plus crédibles qu'il m'ait été donné de voir ». Mais est-ce que cette vraisemblance nous concerne ? N'a-t-on pas vu suffisamment de clés USB et barres de téléchargement dans les derniers blockbusters (de Skyfall au dernier Captain America) pour ne pas tomber d'ennui devant ces scènes où défilent encore sur les écrans des lignes de datas censées figurer la déréalisation de notre monde? D'un strict point de vue scénaristique, Hacker n'a aucun intérêt. On peut fantasmer le film, l'intellectualiser autant que l'on voudra, il n'existe, au fond, qu'un seul argument pour le défendre : c'est un film de Michael Mann. Le style de Mann se reconnaît dans chaque scène : tant dans sa façon d'accorder à ses personnages de brèves parenthèses sentimentales (Hathaway tombe amoureux d'une de ses coéquipières hongkongaises), que dans sa manière de les éclairer dans la nuit (sur le toit d'un gratte-ciel, dans une voiture), de les envelopper peu à peu dans le noir qui domine la seconde moitié du film, essentiellement nocturne. Jusqu'à un épilogue à Jakarta, où Hathaway règle ses comptes avec les hackers qui ont décimé son équipe. Scène étrange, à la fois sommet de style – les figurants se déplacent en lignes horizontales, les couleurs de leurs costumes semblent flotter dans l'image – et rêverie sur un cinéma d'action à l'ancienne où les « méchants » auraient des silhouettes de personnages des années 80 : cheveux longs et frisés, chemises hawaïennes (on songe à Miami Vice, la série). Comme si l'exploration des réseaux informatiques conduisait le film vers la plus grande nostalgie, substituant aux clics des hackers un bon vieux duel au couteau. Ce finale, pourtant, ne donne pas une impression de réalité plus grande que les premiers plans du film : on revient aux corps, mais le monde, malgré les milliers de figurants qui défilent, semble étrangement vide. Inhabité. Absent. Seule rayonne la nuit, éclairée par des milliers de flambeaux et les costumes bigarrés des figurants.
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