Un film de Michael Mann, c'est un évènement. Chefs d'œuvre, films cultes, classiques instantanés, divertissements haut de gamme; une bonne partie de sa filmographie continue de fasciner des générations entières. Même si on compte un biopic (Ali), une thriller biographique (Révélations) et une épopée historique (le Dernier des Mohicans), le genre policier est bien celui qui a forgé l'aura du metteur en scène. Qu'il filme le face-à-face d'un flic contre un truand (Heat, Public Enemies), le duel entre un tueur à gages et un chauffeur de taxi (Collateral), l'infiltration de deux agents dans le trafic de drogues (Miami Vice), ou l'enquête intense d'un profiler (Manhunter), le cinéaste américain a su bâtir un univers sombre et flamboyant emprunt d'une sensibilité toute particulière. Car en dehors des magnifiques séquences nocturnes (qui ont beaucoup contribué à la renommée de Mann), chaque film se rattache autant qu'il se différencie de ce qui l'a précédé. La question identitaire et les aspirations de ses personnages sont également des thèmes récurrents d'une œuvre à l'autre. Mais tout le génie de Michael Mann est d'arriver à se renouveler au sein d'intrigues aussi simples que multiples. Son nouvel opus, Hacker, se concentre sur la traque d'un pirate informatique, ayant provoqué une explosion dans une centrale nucléaire à Hong-Kong. En réponse à cette attaque, le gouvernement chinois collabore avec le FBI, et le capitaine Dawai Chen convainc ses homologues américains de libérer le célèbre hacker Nicholas Hathaway. Mais rapidement, ce dernier et les enquêteurs réalisent que leur mystérieux ennemi ne compte pas en rester là...
Oui, rien de bien neuf me direz-vous. Mais bon, si on s'arrêtait à ça, on passerait à côté des nombreuses pépites que Mann nous a offert depuis 20 ans. À l'extrême rigueur, en pointer la prévisibilité est déjà un peu plus recevable. Le problème, c'est que dans Hacker, les deux objections tiennent malheureusement. On est jamais surpris ou intrigué par le fond, car le script s'obstine à rester en surface. Les précédents films du réalisateur sortaient du lot par la caractérisation marquée de ses héros/anti-héros/salauds. Ce qui donnait une vraie consistance à leur évolution, leur(s) contradiction(s) ou leur aboutissement. Hacker ne fait qu'esquisser des bribes au sujet de ses protagonistes, ce qui rend la narration parfois invraisemblable, souvent convenue, voire même ridicule (l'histoire d'amour, complètement hors-sujet). Les interprètes ne sont pas en cause, ils se démènent bien mais c'est difficile de combler autant de blancs ou de ratures. Ceci dit, on ne décroche pas un seul instant, car la maestria de Michael Mann opère toujours. Les séquences d'action sont un vrai régal pour les yeux. D'une intensité folle et d'une lisibilité parfaite, elles prouvent (une nouvelle fois) que le cinéaste est toujours au firmament dans le domaine. Les caméras à l'épaule sont dévastatrices, les plans nocturnes magnifiques et l'immersion totale. Et même quand certains éléments rappellent explicitement les précédents Mann, l'argument de l'auto-plagiat tombe à plat tant la beauté formelle est au rendez-vous. Au final, Hacker passe peut être pour le moins bon film de son auteur mais cela reste un divertissement assez agréable.