Si David Ayer n'est pas le réalisateur le plus fin d'Hollywood, il a tout de même le chic de savoir balancer ses personnages, et le spectateur avec, dans des environnements toujours très hostiles en leur demandant de se débrouiller avec les moyens du bord. Ainsi avec Fury, il délaisse le polar urbain, celui de Sabotage ou End of Watch, pour s'orienter vers le film de guerre classique. Pot-pourri entre plusieurs classiques du genre tels que Full Metal Jacket, Il faut sauver le soldat Ryan, Platoon, les films de Peckinpah et j'en passe. Et comme souvent chez Ayer, les personnages sont assez grossiers pour ne pas dire clichés. On a le sergent à qui tout le monde est dévoué mais qui est à la fois un mélange d'humanité et de monstre. Le croyant qui saoule tout le monde avec sa religion. Le bleu qui devient peu à peu une machine de guerre comme l'engagé Guignol de Full Metal Jacket...Même le propos n'est pas nouveau : la guerre enlève aux hommes leur humanité. Mais pourquoi Fury m'a emballé ? Pas pour ces dialogues qui se veulent faussement badass. Non, parce que comme d'habitude (bis) chez David Ayer, le film prend aux tripes. C'est glauque, c'est triste, c'est sale. Ça sent la boue, la pisse, le sang, la sueur. Comme je l'ai dit en introduction de cette critique, il sait mieux que quiconque placer le spectateur en plein cœur de l'action. Pour un peu, on s'y croirait comme dans un jeu vidéo. Le film est d'une rare intensité, assez violent forcément, et on s'attache à tous ces personnages, même les secondaires. On en vient à se battre à leurs côtés, à espérer qu'ils survivent. S'il n'y a pas la même réflexion que dans un Eastwood ou un Malick ou l'humanité dans un Spielberg, Ayer fait avec ses moyens, ses personnages ni gentils ni méchants, pour qui faire la guerre est le meilleur des jobs. Et puis Brad Pitt, quoi. L'acteur a la cinquantaine. Avec la filmographie qui est la sienne, il pourrait se contenter de la facilité comme Bruce Willis. Et non. Il continue d'aller jouer chez Tarantino, chez Fincher, chez Malick, chez Ayer. Et puis, le film de guerre est un peu en voie de disparition. Le diptyque Mémoires de nos pères/Lettres d'Iwo Jima remonte à 2006, Il faut sauver le soldat Ryan, Pearl Harbor, Stalingrad, c'est fin des années 90/début des années 2000. Donc comme le western, c'est triste mais c'est comme ça, c'est un genre qui tombe en désuétude. Raison de plus pour ne pas le rater.