Avant Kick Ass et les autres productions décomplexées de chez Marv, il y avait Mystery Men, sorte de série b généreuse où le potache virevoltait avec l'univers sérieux des super-héros. S'ouvrant comme une reproduction parodique des Batman de Schumacher (l'on croirait voir la scène du musée de Batman & Robin, tant au niveau des cadrages que de l'éclairage), il se poursuit par l'arrivée du héros de la ville, un Captain Amazing interprété par le cynique Greg Kinnear (qui trouvait là le rôle de sa vie, et n'est pas sans faire penser à Mr Indestructible mélangé au Gilderoy Lockhart de la chambre des secrets) et qui correspond à la parfaite parodie de Superman.
Vantard, méprisant, gominé, il a la personnalité parfaite du super-héros qui ne travaille pas pour le bien général, mais pour la bonne avancée de sa réputation d'icône. Face à lui, des super-héros en herbe tentant de se persuader de leurs supers-pouvoirs : Kel Mitchell en homme invisible quand on ne le regarde pas, Hank Azaria en lanceur de fourchettes professionnel, William H Macy en leader (et dont le monologue servira de base à Orelsan pour un morceau) et le fameux Ben Stiller en homme faussement énervé, qui donne lieu à une relation amoureuse certes pathos à en crever, mais menée avec suffisamment de charme pour ajouter de la qualité au tout.
L'idée consistera à les suivre et les voir remplacer ce Superman publicitaire, vénal et narcissique; ils se confronteront à toute une flopée de méchants tout aussi méchants qu'ils sont gentils, et pas moins incompétents que notre étrange troupe de héros. Querelles d'égos, acteurs qui surjouent (il faut voir Ben Stiller passer de la rage au calme, savoureusement excessif), dialogues forcés et officieux (on ne reviendra pas sur le monologue d'encouragement de Macy cité plus haut, américain à en mourir de rire) et ton de série b décomplexée seront le fer de lance de ce film de super-zéros destinés à devenir, bien malgré eux, les héros de leur ville et des gens.
C'est en ce sens qu'il est décevant : s'il constitue un bon divertissement familial, l'on regrettera son absence de prises de risque; au moment où les seules choses osées consistent en des blagues prout prout bien grasses (on a quand même un personnage qui pète pour vaincre ses ennemis, et dont le visage est bourré de furoncles), on regrette de voir que les seuls codes qu'il brise ne concernent que le rythme de l'action, transformée pour l'occasion en humour.
Dans un certain sens, c'est logique : réalisé sans aucune personnalité, Mystery Men affiche un ton de série b sans prétention, qui ne cherche pas à sortir des sentiers battus, cela même s'il amène des thèmes intéressants (notamment sur la volonté de devenir une icône commerciale et la volonté de s'élever de sa condition humaine par des exploits extraordinaires) et les représente légèrement par le biais de bons personnages et d'un sacré antagoniste (Geoffrey Rush est fantastique en Frankenstein, et justifie le visionnage par sa seule performance hallucinée).
Très classique, il se déroule comme une comédie romantique de base, avec la période de la découverte de la femme (celle de l'équipe), de l'union avec puis de sa désunion (Ben Stiller qui se rapproche de la femme qui lui plaît), puis du retour ensemble et de la victoire finale, représentée par le mariage de cette équipe de forcenés, du nom de Mystery Men (même la manière d'amener le ton est terriblement classique).
C'est au final divertissant parce qu'il est plat et sans prise de tête, qu'il ne nécessite pas d'activer son cerveau ou d'analyser ses plans de caméra; couleurs chaudes et réalisation plate mais propice à l'action seront au rendez-vous, tout comme son écriture nous permettra la détente absolue sans trop réfléchir à la psychologie de ses personnages, à la cohérence de l'intrigue (c'est suffisamment le bordel dans ce monde qu'on ne cherche plus d'ordre logique), cela tout en étant sorti à l'aube des années 2000. Mystery Men est ainsi sorti dix ans trop tard, et venu l'année d'un certain Matrix, on sent que le tout a vieilli, lui offrant un charme savoureux.
Ses plus grands défauts restent ses meilleures qualités.