Il y a des films à l'issue desquels le spectateur ressort en ayant l'impression d'être plus intelligent, d'avoir appris sur la vie sociale et amoureuse plus que jamais, et surtout d'avoir compris comment fonctionne le cinéma. "Broadway therapy" est de ceux-là. D'apparence désinvolte, le film poursuit le récit naïf, voire imbécile, d'une jeune actrice récemment révélée au cinéma et au théâtre, avec une journaliste insupportable. Les premières minutes deviennent alors douloureuses et on se demande ce qu'on est venu faire dans cette comédie légère et agaçante. Or, soudain, l'agacement devient de l'art, l'imbécilité apparente des personnages se transforme en intelligence et les rires envahissent la salle. Car il y a bien plus que du talent là-dedans. Le réalisateur maîtrise parfaitement le quiproquo, le jeu de rôle grâce à un scénario brillant et perfide. Le talent du scénario consiste précisément à faire d'une succession de scènes et de personnages a priori incompatibles, voire ridicules, un petit bijou d'habileté. Les acteurs se régalent dans cette mise en abîme du théâtre dans le théâtre, rivalisant de drôlerie et de finesse. Rien n'est sur-joué, rien n'est de trop, et le génie de Peter Bodanovich consiste à rendre vraisemblable et juste ce qui en soi pourrait faire craindre le désordre et l'incohérence. Le réalisateur connaît le cinéma, il aime le cinéma, jusque dans les moindres détails du décor et de la lumière. Il se plait à perdre le spectateur dans des univers parallèles, et tel un auteur baroque, il mélange les genres, multiplie les déguisements, et joue sur la surprise. Heureusement, le réalisateur annonce dès le début de son film, l'inévitable happy-end, comme au théâtre de boulevard, où l'issue paraît toujours insoluble. Justement, c'est le théâtre lui-même qui clôture le film, c'est-à-dire une mise en abîme du cinéma dans le cinéma, ou du théâtre dans le théâtre. On ne sait plus. Ce dont on est certain, c'est que nous sommes touchés, jusqu'au cœur. New York est magnifique. La ville et les personnage rappellent un certain Woody Allen, les dialogues, eux, sont tout droit sortis d'un livre d'Oscar Wilde. S'agit-il d'un film féministe ? Même l'auteur se complaît à semer le trouble. Toujours est-il qu'on s'amuse, et qu'on apprend encore et toujours sur les torpeurs et les mensonges de l'âme humaine.