Filer un 8 à SFTW est peut-être un peu abusé, mais quand on tombe sous le charme d'un film, on grossit ses qualités. Et Broadway en a à revendre, du charme, d'autant plus qu'il émane à la fois du néant et d'un peu tout. C'est que le film de l'insaisissable esthète Bogdanovich (aaaah, son Last Picture Show !) ne raconte absolument rien de neuf, ni d'original... mais qu'il le fait comme personne. Et parce qu'il assume entièrement de n'avoir pas grand chose à dire, au risque de s'attirer les foudres des plus blasés, l'apprécier à sa juste valeur exige une certaine complaisance envers sa démarche même : distraire autant qu'il s'amuse. En voyant NY, le loufoque un peu désabusé, l'héroïne fantasque, on pense à Woody Allen, et l'on se sent obligé d'attendre le nouveau Annie Hall ; parce que le cinéaste y répand jusque dans les répliques texto et le découpage son amour de Lubitsch, on se sent obligé d'attendre le nouveau Trouble in Paradise ; tout cela est inutile. Ce qui compte, c'est le divertissement pur, et la science du vaudeville poussé jusqu'à l'absurde qui en constitue le moteur principal (et qui explique qu'on accueille les coïncidences avec plaisir alors qu'on trouverait ça abusé dans un autre film). Et, bien sûr, la condition express d'en apprécier tous les composants, de l'hilarante psy plus névrosée que ses patients (Jennifer Aniston enfin dans un rôle à sa mesure) au duo burlesque formé du vieux juge obsédé (Austin Pendleton) et du vieux détective privé déguisé en rabbin, en passant par l'inénarrable Rhys Ifans, la prostituée ukrainienne qui ne comprend rien, les crises d'hystéries de l'épouse Simmons, le grand Richard Lewis en père alcoolique... et, last but not least, la merveilleuse (en plus d'être sublime) Imogen Poots. Quand un film base l'essentiel de son charme sur celui de son actrice principale, il a sacrément intérêt à caster la bonne, et sur ce plan, Bogdanovich a assuré au moins autant qu'Allen avec Evan Rachel Woods dans Whatever Works : formidable en rêveuse un peu gourde, Poots illumine le celluloid, au point d'insuffler de l'émotion à un spectacle globalement inconséquent - on n'ose imaginer ce qu'aurait donné la bien moins lumineuse Brie Larson, prévue à l'origine dans ce rôle.
Le fait que son personnage ne finisse pas avec avec ni Wilson, ni Will Forte,
en fait une anti-romcom qui ajoute à son charme : oui, SFTW est frivole. Mais de nos jours, la frivolité est peut-être exactement ce dont on a besoin !