L'un des chefs-d'oeuvre de Fuller et l'un des films les plus originaux du cinéma américain de l'époque, véritable transition vers l'époque des francs-tireurs des années 60-70. L'on pense à "Vol au-dessus d'un nid de coucou", mais les 2 films sont bien différents, car si l'oeuvre de Forman se veut plutôt une dénonciation du système psychiatrique, ici la priorité de Fuller est de dénoncer rien moins que les tares américaines de son temps à travers la métaphore de l'asile. Le style n'est pas réaliste, mais baroque, voire délirant : Fuller innove, mélange noir et blanc et couleur, fait appel à une photographie hyper contrastée de Stanley Cortez (le chef opérateur des films d'O. Welles), avec des blancs incroyablement agressifs, des gros plans saisissants, un montage saccadé et un travail sonore constamment surprenant (voir les vocalises de Pagliacci notamment
Le réalisateur ose tout, jusqu'à déguiser un personnage noir, victime du racisme, en membre du Ku Klux Klan, ou un brillant physicien nucléaire en enfant de 6 ans. Comme toujours chez Fuller, une approche anti-conventionnelle prime, afin de donner plus de poids à la dénonciation.
Si l'intrigue est secondaire, la construction du film, intelligente avec ces focus successifs sur les trois témoins, ménage tout de même une certaine tension, et la folie progressive du personnage est bien rendue notamment par l'utilisation de la voix off, qui accentue le sentiment de schizophrénie. Au final, ce n'est pas tant la fréquentation des aliénés qui entraîne le personnage vers la folie, mais plutôt ce voyage au cœur de la folie américaine. Le film se veut ainsi plus symbolique que purement crédible.
Enfin, il convient de souligner, au milieu de cette folie furieuse, le personnage très émouvant de Cathy, encore un magnifique personnage de femme de la part de ce cinéaste chantre de la brutalité masculine.