La déception de la semaine. Ou du mois. Ou de l'année, p'tet bien, parce que je suis vraiment partie la fleur au fusil voir Mr Turner, m'attendant à 2 h 30 de bonheur!
C'est mon dieu (un de mes), ce Génie qui a inventé l'impressionnisme. Oui oui, je sais, les français pensent que ce sont eux, toujours fiérots grattant de leurs ergots de coq le terreau de leur exception culturelle! Mais naturellement, Turner a été beaucoup plus loin, tellement plus loin.....
Mike Leigh est un cinéaste fort estimable, qui a réussi dans des genres assez divers. Hélas, là, on a l'impression qu'il s'est trompé de film.... Certes, il y a une flopée de belles images. A commencer par celle du générique, cette ligne d'horizon où se détachent les ailes d'un moulin néerlandais et le peintre penché sur son carnet de croquis. A grands renforts de filtres, nous sommes gavés de ciels immenses, mauves ou tangos.... Les scènes de rue sont pittoresques à souhait. Ses acteurs? Pas des acteurs, mais des trognes! On est chez Jordaens! (léger anachronisme...
Sûr, le bonhomme est "intéressant". D'allure négligée, de manières rustaudes (il est vrai qu'il n'était pas né dans la soie, contrairement à Constable), de sexualité.... rustique. Après avoir laissé sa première compagne, mère de ses filles, on le voit honorer sa gouvernante (déjetée, boiteuse, scrofuleuse) avec l'élégance d'un porc; d'ailleurs, des bruits de groin forment la majeure partie de ses dialogues; puis se remettre en ménage avec un accorte veuve largement ménopausée, dont il prendra le nom et avec qui il finira sa vie. Tout cela n'est pas très ragoûtant, mais c'est évidemment pain béni pour un cinéaste.... On verrait bien Depardieu dans le rôle? Bon, c'est Timothy Small qui l'a eu, et en même temps le prix d'interprétation à Cannes -et vous ne trouvez pas qu'il charge un peu la barque? Vous vous souvenez du dolcinien simple d'esprit du Nom de la Rose? C'est à peu près cela..... Il aurait un Oscar, en plus, que cela ne m'étonnerait pas. C'est fait pour.
On le voit vivre avec son père, vieux garçon nursé par un papa poule, en adoration devant sa progéniture et dont il est le meilleur agent artistique. Puis devenir de plus en plus excentrique, bizarre.... Pour le folklore, tout cela est bel et bon, mais est ce vraiment cela qui nous intéresse?
Ce qui nous intéresse, c'est le peintre! Bon il y a d'amusantes descriptions de ces concours de peintures où toutes les toiles étaient collées les unes aux autres, où les peintres en concurrence s'épiaient et se débinaient, perfectionnant leurs œuvres après l'accrochage même en y rajoutant d'ultimes petites touches. Oui, mais ce qui nous intéresse, c'est le Génie! c'est ça qu'on attend. Qu'un nouveau Clouzot nous rejoue le mystère Turner.....
Le Génie? Il est aux abonnés absents. Sa rivalité avec l'autre grand, Constable? A peine effleurée. Alors, il sert à quoi, ce film?
A rien. Ceux que la peinture n'intéresse pas vont s'em.....; les passionnés de Turner seront amers. Finalement, je ne saurais le conseiller à personne, car pour le côté plaisant (l'atmosphère, la beauté des images....) un film d'une heure et demi aurait largement suffi!