Plus à l’aise à manier les scripts qu’à mener un film, Steven Knight débute à la mise en scène avec l’assez faible Crazy Joe, surtout notable pour son Statham clochard. Et puis il rectifie le tir, en changeant d’acteur. Non, Jason n’est pas nul, mais tout expert en calibre qu’il soit, il n’a pas celui d’un Tom Hardy, l’homme qu’on a vu en Bane, Bronson ou Forrest Bondurant. Et c’est ce qu’il faut à Locke, objet au parti pris hautement minimaliste. Pendant une heure et demie, retranscrite en temps réel, on voit le futur Mad Max seul au volant de son BM X5, parlant de ciment C6 et de culbutes à 2. Sur le trajet reliant de nuit Birmingham à la capitale, il multiplie les appels téléphoniques, tentant d’enrayer un triple désastre. Il délègue, coordonne, explique en détail, puis doit s’en remettre aux autres, et prier pour que le puzzle s’emboîte. C’est à la fois brillant et inaccessible, et on comprend ceux, nombreux, qui resteront hermétiques à un tel effort. Mais on ne peut aussi qu’admettre la maestria de cette écriture, qui assemble les histoires en une intrigue noueuse, savamment accrocheuse, encore amplifiée par la caméra intrusive sur son acteur unique. Une expérience.