Steven Knight, fort d’un certain succès dans le costume de scénariste depuis quelques années, s’essaie pour la seconde fois à l’exercice de la réalisation. Le britannique, après voir entraîner Jason Statham dans un moyennent convaincant polar d’action, tente le huis clos. S’associant cette fois-ci à une valeur pour le moins sûre, Tom Hardy, le cinéaste tente l’expérience de la claustrophobie dans rien de plus commun que l’intérieur de voiture. Sillonnant les grands axes routiers britanniques, de nuit, l’unique personnage de cette fiction, Ivan Locke, alterne les coups de fils, détruisant et reconstruisant sa vie. Chef de chantier, père de famille, une erreur passée le conduit à revoir sa condition, à échapper au quotidien pour assumer, on l’apprend, ce dont lui a souffert. Bref, le pitch est accessoire, l’intérêt résidant dans la forme.
Oui, un tel film doit marcher sur un mince fil pour assurer une certaine réussite. S’il fallait bien évidemment un comédien sans faille pour parvenir à captiver, en solo, il faillait aussi une intrigue qui se construit pas à pas, par l’entremise d’une succession d’appels téléphoniques. On ne connaît rien du bonhomme entrant dans sa voiture, au début du film, mais on sera sensé le connaître une heure et vingt-quatre minutes plus tard. Plus important encore, nous devrons aussi connaître son univers, sa fonction, ses intentions. Sur ce fait, Steven Knight s’emploie à faire avouer à son chauffeur solitaire toutes ses fautes, à faire ressortir toutes ses qualités, les responsabilités qu’ils s’infligent. Pour ce faire, Tom Hardy brille de mille feux, à la fois sensible et fort, dans une composition certes discrète mais qui en dit long sur la capacité de l’acteur à se fondre dans la masse, à s’imprégner de n’importe quelle atmosphère.
Cela dit, pour que tout fonctionne comme prévu, il faut aussi de l’inventivité, ce qui semble manquer au réalisateur. Oui, si les appels entrants et sortants nous révèlent tout sur Ivan Locke, sur ses motivations et son histoire, la réalisation manque de variables. Sous les luminaires sordides d’autoroutes monotones, les images peinent à se renouveler. On contemple l’unique protagoniste du récit derrière un par brise, derrière une succession de reflets, croisant camions, voiture de police sirènes hurlantes. D’un point A à un point B, le réalisateur n’offre en somme qu’une enfilade de discussions, sans grande recherche artistique. Oui, si dans certains cas, cela pourrait paraître pardonnable, ici, le film perd de sa superbe de minute en minute, devenant monotone et parfois même presque puérile, notamment lorsque le personnage cause boulot.
Locke, en dépit de ses défauts artistiques, techniques, n’en demeure pas moins une expérience cinématographique osée, un produit inventif qu’il convient de découvrir, au moins pour son seul acteur. Si l’on ne ressent pas vraiment de claustrophobie, ni même d’angoisse à suivre éternellement le même route avec cet homme dont on se moque finalement du sort, l’exercice que s’impose Steven Knight est louable. Petit budget oblige, il fallait composer avec et ne pas sortit du moule que le scénario, bien entendu du même Steven Knight, imposait. Le film est donc partiellement réussi, aura fait parler de lui et permet à Knight de démontrer qu’il possède d’indéniable qualité de metteur en scène. Un plus gros cachet de la part d’un studio et le bonhomme sera capable de bien mieux. 10/20