On a beaucoup ergoté sur ce spin-off, censé ouvrir le bal à d’autres productions du même acabit (à commencer par la jeunesse de Han solo) et qui a connu bien des déconvenues avant sa sortie (le compositeur Alexandre Desplat remplacé en post-production, les rumeurs selon lesquelles les 2/3 du film aurait été modifiés en cours de montage, les inévitables reshoots de mauvaise augure…). Les esprits chagrins y voyaient déjà le premier flop de l’univers "Star Wars" sur grand écran… Sauf que la Force est (visiblement) toujours avec Disney qui s’offre un carton au box-office dont les proportions sont, tout de même, très inattendues. Pour autant, que vaut ce "Rogue One" ? Tout d’abord, il m’a paru franchement inférieurs aux opus "officiels" de la saga (y compris ceux de la prélogie, pourtant décriés). La faute en incombe, à mon sens, à un équilibre trop incertain entre action et humour et à un manque de substance sur le plan scénaristique. Certes, le pitch (qui narre l’histoire des rebelles qui ont volé les plans de l’Etoile de la Mort, évoquée dans l’Episode 4 fondateur) rendait difficile tout effet de surprise (les fans connaissant, en principe, l’issue de la mission) et ne se prêtait pas forcément à la franche rigolade. Pour autant, les scénaristes auraient pu (auraient dû !) se passer d’un certain nombre de grosses ficelles scénaristiques
(le trauma de l’héroïne, sa relation avec son père, la love story qui ne dit pas son nom, le sacrifice au nom de l’intérêt commun…)
et soigner davantage ses personnages qui, chose rare dans la saga, n’ont pas bénéficié d’un gros travail de personnalisation. Difficile, à la sortie de la salle, de citer le nom d’un des personnages et de s’enflammer pour leur look… ce qui me semble une hérésie pour un film estampillé "Star Wars". Ces défauts apparaissent d’autant plus gênants qu’ils s’inscrivent dans une intrigue dont on sent bien qu’elle a été remaniée à de nombreuses reprises, au point d’être trop policé et, surtout, trop décousue. "Rogue One" cumule, ainsi, un certain nombre d’amorces scénaristiques intéressantes
(le passé trouble de Galen Erso, le rôle de Saw, l’arrivisme du méchant Krennic…)
qu’il n’exploite jamais à hauteur des attentes suscités pour, au contraire, faire soit dans l’ellipse (histoire, sans doute, d’en garder sous le coude pour d’autres supports tels que la série "Star Wars Rebels"), soit dans le traitement archi-classique (aucun des personnages n’est surprenant dans ses motivations ou dans son évolution). J’ai, également, été gêné par la structure du scénario qui a tendance à se répéter en reproduisant, à plusieurs reprises, le schéma
"arrivée des rebelles sur une nouvelle planète / confrontation avec les méchants / départ de la planète su fond de destruction massive"
. En résulte une impression de redite et un manque de rythme, ce que l’absence d’un thème musical fort ne vient pas aider. Heureusement, "Rogue One" peut compter sur un final à la hauteur où on en prend, enfin, plein les yeux et où on constate que
les producteurs n’ont pas fait l’erreur d’inclure un happy end stupide
. L’assaut sur Scarif,
avec ses décors exotiques, ses explosions en tout genre et ses sacrifices,
est, donc, sans peine, l’un des meilleurs moments du film (même s’il ne révolutionne pas non plus le genre)... à l’exception des scènes de Dark Vador. Et, une fois n’est pas coutume, les rajouts de dernière minute peuvent être salvateurs car c’est peu dire que les rares apparitions du seigneurs Sith sont des moments dantesques appelés à marquer la saga et, surtout, à explorer de nouvelles facettes du personnage.
Sa première apparition dans sa cuve de bacta est glaçante, tout comme son château sur Mustafar. Quant à son baroud d’honneur, il confirme la cruauté du personnage et offre, enfin, au spectateur un sabre laser qui manquait cruellement au film
. Le retour du Moff Tarkin (sous les traits du regretté Peter Cushing qui plus est !) et
de la princesse Leia (sous les traits de Carrie Fisher jeune)
feront, également, plaisir aux fans (même si les effets spéciaux, certes de plus en plus épatants, restent voyants)… tout comme
les apparitions de R2-D2 et C3PO ou le fait que la fin du film coïncide parfaitement avec le début de l’Episode 4, ce qui achève de faire de "Rogue One" l’Episode 3 ½ de la saga
. Enfin, concernant le casting, il est loin d’être déshonorant mais il ne devrait pas marquer les esprits comme ont pu le faire les grands acteurs de la saga. La faute en incombe sans doute au manque d’écriture des personnages (Mads Mikkelsen et Ben Mendelsohn, entre autres, ont pu prouver ailleurs qu’ils pouvaient faire de grandes choses pour peu que leur rôle le permette), même si on retiendra la prestation de Felicity Jones dans le rôle de l’héroïne Jynn Erso, qui, un an après la Rey de l’Episode 7, démontre que les femmes ont, désormais, une place à part entière dans la saga "Star Wars". Dans une moindre mesure, on pourra s'amuser des répliques du droïde K-2SO (Alan Tudyk en VO) qui, certes, fait un peu comique de service tentant d'imiter C3-PO mais qui fait quand même du bien dans la marasme ambiant. "Rogue One" se regarde, donc très gentiment et convainc que ces "Star Wars story" sont un bon moyen de patienter entre deux épisodes officiels. Mais je pense qu’il y a vraiment moyen de mieux faire, notamment en soignant davantage le scénario. A moins que je ne sois passé à côté du film, ce qui n’est pas impossible au vu de l’enthousiasme suscité auprès du public.