''Solo : A Star Wars Story'' ou l'archétype même du film massacré, bousillé et traîné dans les orties avant même sa sortie. Un film qui traîne une telle réputation que l'accueil plus que mitigé est on ne peut plus prévisible. En bref : un film mort-né. D'abord réalisé par le duo Phil Lord et Christopher Miller, ce spin-off sur la jeunesse de Han Solo s'est vu changer de réalisateur en cours de tournage. Kathleen Kennedy parle pour justifier cette répudiation d'un ''différent créatif'' (sous-entendu, le film tournait entre les mains du duo à la véritable comédie). Ce fut donc le compétent et efficace Ron Howard (réalisateur de ''Willow'',''Rush'' et de plein d'autres films) qui fut chargé de retourner environ 70% des scènes. Soyons simple ; c'est le b****l ! Mais une fois qu'on a dit tout ça, il faut juger du produit fini. Le film est donc aussi mauvais que la rumeur le prétend ? Et la réponse est : absolument pas.
''Solo : A Star Wars Story'' retrace les débuts de Han Solo. Parmis les choses attendues, le film explique comment Han est devenu le contrebandier le plus célèbre de la galaxie (et du cinéma), mais aussi comment il a rencontré Chewbacca, Lando Calrissian et bien entendu, comment il a acquis le mythique Faucon Millenium. Cependant, le film montre aussi des choses qu'on ignorait totalement. Où a t'il grandi ? Qui était son mentor ? Et surtout, qui fut, avant Leia Organa, son premier grand amour ?
Pour vraiment aimer le film, il faut remplir deux conditions. Premièrement, il faut tolérer le principe du concept du préquel, ce genre de film qui vient vider (ou au contraire l'enrichir) tout le mystère d'un protagoniste. On peut reprocher à Hollywood cette manie de vouloir tout expliquer à travers suite, prequel, spin-off... ce genre de film peut en effet manquer de pertinence en voulant absolument tout dire sur son sujet : c'est ce qu'on avait reproché avec trop de sévérité à Lucas et sa prélogie (les gens ne voulaient pas forcément voir Dark Vador... enfant!). Deuxièmement, il faut tolérer l'idée que Han Solo, le beau, le fort, le charismatique Han Solo soit interprété par un autre qu' Harrison Ford. C'est sans doute le point qui fera hurler les puristes : voir un autre jouer le rôle d'Han. Dès lors, l'interprétation Aiden Ehrenreich n'est pas en cause, c'est l'idée même du changement d'acteur qui fichera de l'urticaire aux fans les plus hardcore d'Han Solo version Harrison Ford. Deux choses à dire là dessus. Déjà, ne pas être un fan d'Han Solo est paradoxalement ce qui peut permettre d'aimer le film : on ne criera pas de voir ce changement, forcé, de casting. Et ensuite, cela fait déjà un moment que l'image de Han Solo a perdu de sa superbe. La raison ? L'inteprétation exécrable d'Harrison Ford dans ''Le Réveil de la Force''. Ce film est donc un bon moyen de rajeunir Han, lequel en avait bien besoin.
Indépendemment de tout critère appréciatif, il est amusant de voir que Disney, entre les épisodes de Star Wars numérotés et les spin-off applique une politique radicalement opposée. Les épisodes 7 et 8 ? On fait mine de filmer des nouveautés (nouveaux lieux, nouveaux personnages) mais on le fait de la manière la plus vieille qui soit (tous les codes sont identiques à ceux de la trilogie originale, le faussement courageux épisode 8 n'échappe pas à la règle). ''Rogue One'' et ''Solo'' ? On filme des événements (''Rogue One'') ou des protagonistes (''Solo'') qu'on connaît, mais en cherchant à innover continuellement et en adoptant des codes scénaristiques et visuels différents de ceux auquel Star Wars nous avait habitué jusqu'ici. La première chose qui saute aux yeux avec ''Solo : A Star Wars Story'', ce n'est pas, comme on aurait pu s'y attendre la performance d'Aiden Ehrenreich mais bien l'esthétisme du film. On est dès le début du film plongé dans des décors sombres, très faiblement éclairés. Voilà quelque chose d'inédit dans un Star Wars. Au contraire des belles lumières de Lucas, au contraire du côté clinquant de J. J Abrams (chrome, chrome, chrome et encore chrome), Ron Howard adopte une esthétisme incroyablement tamisée, ce qui est déjà la 1ère originalité de ce spin-off. Il prolonge ainsi ce qui avait été engendré avec ''Rogue One'' : une manière de filmer plus en prise avec réel. Les mauvaises langues diront que ce manque d'éclairage sert à dissimuler des décors soi-disant non terminés, à dissimuler de possibles faux raccords. Mais cette noirceur visuelle sert justement à illustrer le scénario un peu plus sombre que d'habitude. Nous ne sommes pas avec de braves Jedis, sur de gracieuses planètes. Nous sommes avec des contrebandiers, sur de sinistres planètes qui offrent multiples cachettes. Ce travail qui en gênera plus d'un est dû au chef-opérateur Bradford Young. Quand on sait que Bradford Young était le directeur photo de ''A Most Violent Year'' (J. C Chandor, 2014) et ''Premier Contact'' (Denis Villeneuve, 2016), on ne saurait s'étonner du résultat. Celui-ci aime aime travailler les lumières mortifères, parfois sinistres. Ce choix-là a une conséquence : le film s'ancre dans une tonalité moins joyeuse qu'à l'habitude. L'obscurité sert à illustrer l'archaïsme des planètes. Grosse surprise dans un Star Wars, c'est voir à quel point certaines planètes dans la lignée de Tatoine sont en retard technologiquement parlant (un des gardes de l'antagoniste a même une épée!). ''Solo'' est un film qui sent la rouille, le cambouis et la boue. Il faut voir cette très bonne scène de guerre au début du film. Dans cette scène, fini les revigorantes bastons de Star Wars mais bien au cœur de l'horreur de la guerre.la perte de repères, l'horreur des tirs de laser et l'hideuse boue au sol (oui, vous avez bien vu de profondes tranchés, qui rappelle forcément quelque chose), Ron Hpward transpose Star Wars dans un contexte conplètement terre-à-terre (encore plus que dans ''Rogue One''où les batailles donnaient encore la pêche). Ron Howard sans renier la démesure de Star Wars a le talent de réaliser des scènes d'action extrêmement sèches, sans concession. Par moment, on a l'impression d'être transposé dans ''Spectre'' (Sam Mendes, 2015) ou dans les films de Zack Snyder ( « en fait, cette comparaison est le meilleur moyen d'enfoncer ''Solo'' » diront les détracteurs de Zack Snyder) : des films aux scènes d'action spectaculaires, mais dans lesquels la noirceur froide et sèche est de mise. Ron Howard répond à la noirceur brûlante de Lucas avec une noirceur glaçante.
Puis vient la question du scénario et de ses personnages. On est heureux de voir que l'univers de Star Wars s'élargit. Ron Howard montre de façon toute bête que les enjeux qui peuvent animer les personnages de Star Wars ne sont pas forcément nobles. Il montre aussi que le monde de Star Wars n'est pas réduit à ses aspects mythiques. Il n'aborde pas la Grande Histoire (celle des épisodes numérotés) mais se focalise davantage sur des figures de l'ombre. Ce point de vue enrichit l'univers de cette franchise. Les méchants, eux ne sont plus des vilains membres de l'Empire : au contraire, Han peut tenir une conversation sans hostilité avec l'un des ses membres. Le but du héros n'est pas associé à la grandeur. Tous les protagonistes n'ont qu'un seul but : l'argent. C'est l'une des raisons qui fait que ''Solo'' n'offre pas une histoire manichéenne. Le scénario concocte donc plusieurs scènes de casses qui dans l'optique d'un Star Wars sont très neuves. On a beaucoup parlé (enfin, ceux qui s'intéressent encore à Star Wars) d'un western de l'espace. Oui, si on veut, mais le film est aussi très proche du film noir à l'américaine. Plusieurs codes s'apparentent à ce genre de cinéma : le héros qui pour réaliser son rêve est prêt à tout, la femme fatale aux desseins ambigus, des scènes de casses etc. toutes ces nouveautés élargissent l'univers. Rien que Corellia, la première planète du film offre un nouveau décor : c'est une palnète ultra industieuse où l'Empire diffuse sa propagande pour enrôler les malheureux habitants dans l'armée. Le film s'axe donc sur l'archaïsme et la pauvreté des planètes visitées par nos héros. Justement, parlons-en de nos héros. Passons rapidement sur le défaut principal du film : le parcours de Han Solo. Loin d'être inintéressant, il est regrettable que la situation et l'état d'esprit d'Han soient restés les mêmes entre la fin de ce film et l'épisode 4. comme si, entre les deux intrigues des deux films (séparées par un certain nombre d'années), il n'était strictement rien arrivé à Han. Or, on sait, vu la manière dont la fin est ouverte que Han connaîtra maintes aventures entre ce film et le moment où, sur Tatooine, il rencontrera Luke Skywalker et Obi-Wan Kenobi. Comme pour Anakin dans la prélogie, beaucoup de gens regretteront que le passé d'Han ne soit pas tel qu'ils l'avaient imaginé. Mais arrêtons de parler d'Han. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, ''Solo'' n'est pas totalement collé à Han, il propose une galerie de protagonistes tout aussi (sinon plus) intéressants que notre contrebandier préféré. Parlons d'abord de ceux qu'on connaît déjà : Chewbacca et Lando. Disons le tout de suite, leur traitement (et ça fait du bien) est ORIGINAL. D'abord, reconnaissons que Chewie était de plus en plus déceptif ces derniers temps. Dans l'épisode 4, Han disait de lui qu'il pouvait briser les bras de ceux qui l'ennuyaient. Autant dire que Chewbacca s'est bien embelli dans les épisodes 7 et 8 (où il finit végétarien, ben voyons!). Rien de tout cela ici : la rencontre entre Han et Chewbacca est très marquante. Et, chose incroyable, très effrayante. On savait que le ''gentil'' wookie pouvait se révéler violent, mais pas à ce point. En effet, Ron Howard innove le temps de cette scène avec une nouvelle façon de filmer la grosse bête de poils. Chewie n'était pas le gentil costaud de le bande, ni le comique de service, fait à base de cris. Dans cette scène, c'est bien une créature monstueuse et dangereuse que l'on découvre avec surprise et effroi. Il faut d'ailleurs plusieurs plans sur Chewbacca pour le reconnaître. Cette scène plutôt violente est significative de la noirceur de cet opus. Dommage que cette séquence ''extrême'' soit gâché par les bêlements de Han (qui parle donc, on ne sait comment, le wookie) mais Lando n'est pas en reste. Sentant que le cahier des charges est moins rempli que celui d'Aiden Ehrenreich (lequel doit respecter le jeu d'Harrison Ford), Donald Glover se lâche dans le rôle de Lando Calrissian. Il introduit un surprenant aspect efféminé à Lando. Et la polémique autour de la prétendue pansexualité de Lando est absurde. Ce n'est qu'un tout petit détail. Et puis, là où Star Wars 7 et 8 sont très chastes, quelle surprise de découvrir des sous-entendus sentimentaux et sexuels. Qui plus est, entre un humain et un... robot ! La droïde d'ailleurs sans avoir un rôle important apporte des nouveautés à Star Wars. L3 (bon d'accord, le nom est nul) apporte mine de rien des questionnements sur l'intelligence artificielle, questionnements qu'on retrouve d'habitude plus dans les films de s-f dits ''sérieux'' (style ''Blade Runner'' et sa suite). Ce n'est pas grand chose, mais quand même, on peut se demander si, dans cet univers un robot peut-il avoir des sentiments. Et jusqu'où peut aller l'autonomie d'un robot ? Les droïdes ont-ils des droits ? On sent avec L3, obsédée par l'égalité des droits des robots que Ron Howard se moque de l'épisode 8 et son militantisme idiot pour le droit des animaux. Ajoutons aussi que L3 n'a pas un look immédiatement assimilable aux jouets. Il est vrai qu'on peut lui préférer le plus mystérieux K-2SO de ''Rogue One''. Quoiqu'il en soit, nous sommes en terrain connu avec Chewie et Lando. Qu'en est t-il des nouveaux ? On ne s'appesantira sur le méchant Dryden Vos. Réduit à deux pauvres scènes, le personnage méritait mieux (et encore une fois, habillé tout en noir, décidément il n'y a que ''Rogue One'' pour nous apprendre que la garde robe des plus grosses ordures intergalactiques n'est pas forcément noire...). D'autant plus que son rôle est fondamental vu qu'il a sous ses ordres (et donc réunis) les deux autres personnages importants du film : Qi'Ra, l'aimée de Han et Beckett, le mentor de Han. Pour Beckett, c'est un beau personnage car c'est l'un des seuls protagonistes amoral (et sympathique) à ne pas changer d'un iota. Homme sans principe, il restera le même jusqu'au bout.
C'est la raison pourquoi Beckett doit mourir. Il aime Han mais sait qu'il ne pourra pas changer (''tu as eu raison gamin'' dit-il après que Han ''shot first'' : ça y est Beckett en mourrant à trouver un parfait apprenti avec Han).
Le côté très touchant de Beckett doit évidemment beaucoup au grand Woody Harrelson (impeccable, comme d'hab') : visage dont la rudesse contraste avec ses tristes yeux. Il est aussi très bien secondé par Val (Thandie Newton,
dans un rôle qui hélas disparaît trop vite
). Mais le plus beau personnage car le plus novateur reste sans conteste celui de Qi'Ra (Emilia Clarke, qui parvient sans problème à se détacher de l'encombrant rôle de Daenerys dans ''Game of Thrones''). Femme aux multiples visages, elle rappelle les héroïnes des films noirs des années 40/ 50. Tantôt femme en détresse, tantôt femme fatale aux desseins obscurs, elle reste ambigües jusque dans son amour pour Han. N'ignore t-elle pas qu'il est trop tard pour eux de vivre ensemble ? Sait-elle que leur relation ne pourra pas perdurer ? Pour en revenir à l'ambiguité, il faut dire que ce protagoniste féminin est le 1er à avoir droit (plus qu'à être) tourmenté de bout en bout. Cela peut paraître étrange, compte tenu de l'accumulation de personnages féminins dans ''Le réveil de la Force'' et ''Les derniers Jedis'', mais il y a quelque chose de misogyne dans ces épisodes. En effet, Disney a cru bon de se doter d'une pointe de féminisme... en faisant des femmes des saintes qui n'ont aucun véritable défaut moral. Les grands tourmentés de Star Wars (et donc les grands humains) restent masculins : Anakin/ Vador, Kylo Ren et Luke. Autrement dit, les femmes, de plus en plus nombreuses (et c'est à saluer) ont paradoxalement des caractères de plus en plus étroits. Certes, ce propos est à atténuer avec l'opiniâtre Jyn Erso (Felicity Jones) dans ''Rogue One''. Mais même elle, finissait par choisir son camps et à le servir corps et âme. Ici, si on devait désigner le nouvelle Anakin, ce serait Qi'Ra tant elle valdingue d'un camps à l'autre. Et toute l'habilité de Ron Howard est de nous tromper sur la dualité de Qi'Ra. Puisqu'il a l'intelligence d'introduire un nouveau personnage masqué, qu'on croit donc être le nouveau Dark Vador ou Kylo Ren : Enfys Nest.
Or, la suite du film confirme que ce personnage est et a toujours été entiérement bon
. C'est là qu'on devine que Qi'Ra, dans sa discrétion, est en fait le centre de ''Solo : A Star Wars Story''. Elle est celle qui côtoit la lumière (elle veut sauver les héros) et l'obscurité (
twist final étonnant : elle est liée au côté obscur via Dark Maul, lequel réapparaît bien vivant en hologramme ; ce twist provoquera au choix des frissons de plaisir à certains ou des hurlements à tout ceux qui maudissent la prélogie
). On ne s'étonnera donc pas, vu la profondeur du personnage, que la fin du film laisse des beaux mystères autour de Qi'Ra et non autour de Han. On espère la revoir prochainement.
Bien sûr, des défauts, il y en a. On a déjà vu que certains éléments du parcours de Han et que le méchant n'allaient pas. Idem pour la musique moins imperrissable de John Powell que celle de Michael Giacchino pour ''Rogue One'' : même si on a, ce qui est rare dans un Star Wars des choeurs entièrement féminins pour évoquer Enfys Nest. Deux autres petits bémols : certains protagonistes meurent trop vite, ce qui nous empêche d'être autant ému que dans (encore lui) ''Rogue One''. Mais le bémol principal : c'est bien entendu l'humour. Star Wars a toujours eu un humour inégal : le pompon atteint avec les blagues lourdingues du 7 et 8 (parfois pire que Jar Jar Binks lui-même). Ici, fort heureusement, l'humour est atténué par la noirceur de la relation entre les protagonistes. A ce sujet, sans vouloir défendre cet acte de censure évident, Kathleen Kennedy a sans doute eu raison de virer Phil Lord et Christopher Miller qui faisait du film une comédie. Or, c'est justement le fait qu' il y ait une dose limitée d'humour et de punchline qui fait que ''Solo'' n'a pas à être comparé à un Marvel. La désinvolture qui plombait tout les enjeux des ''Gardiens de la galaxie'' (James Gunn, 2014) ne se retrouve heureusement pas là.
''Solo : A Star Wars Story'' est un film qu'on fnit par aimer ''comme ces enfants souffreteux à qui on donne d'instinct plus d'amour qu'aux biens-portants'' (pour citer Jacques Deray à propos de son film ''Le Solitaire''). ''Solo'' est un film souffreteux dans son projet mais est aussi rempli de bonnes idées. Soyons franc : ''Solo'' est moins bien que ''Rogue One'' d'accord, mais tellement mieux que ''Le Réveil de la Force'' et ''Les derniers Jedis''. Gardons espoir. Disney a les moyens de faire de bons Star Wars. Si on se méfie de ce que sera l'épisode 9 (hélas : retour de J. J Abrams), on attend avec impatience d'éventuels spin-off sur Boba Fett et sur Obi-Wan.