‘Solo’ semblait être l’histoire d’un crash annoncé : entre les deux réalisateurs pressentis, les intéressants Miller et Lord, virés sans ménagement pour divergences créatives aux trois-quarts du projet, ce dernier refilé à un Ron Howard qui a pour réputation de n’avoir aucun opinion personnelle sur les missions dont on le charge et encore moins l’envie de s’exprimer dessus, les langues qui se délient au sujet d’un acteur principal tellement mauvais qu’il lui fallait un coach pour arriver à sortir trois lignes de dialogue avec le ton juste, le moins qu’on puisse dire est que les nuages noirs se sont accumulés tout au long du tournage, au point que même Disney semblait avoir perdu l’envie de défendre le futur accident industriel. Quelle idée aussi, pour le premier spin-off “de prestige� du nouvel univers Star Wars, d’avoir choisi un des personnages les plus appréciés de la saga, au lieu de se faire les dents sur un second couteau ! A l’arrivée, peut-être parce qu’on s’attendait à un désastre, ‘Solo’ n’est pas si mauvais que ça, même si on chercherait en vain à lui conférer un autre statut que celui de spectacle vite consommé et vite oublié. Si ‘Rogue one’ apportait une noirceur inattendue qui en faisait un des meilleurs opus de Star Wars jamais sorti, ‘Solo’ n’apporte...rien, ou plutôt cette légèreté qui n’en est pas une à proprement parler mais plutôt la réduction méthodique au plus petit commun dénominateur du film d’aventures pour qu’il ne choque, effraie, traumatise ou attriste (et on pourrait rajouter “convainque�) personne. Lisse, dépourvu de tout instant mémorable, privé de la moindre scène réellement iconique, ‘Solo’ parvient bon gré mal gré à assurer les plaisirs simples d’une série B (relativement) bien ficelée, puisqu’il s’impose malgré tout comme un Western spatial remuant, avec les passages obligatoires du genre, comme l’évasion, l’attaque de la diligence, les parties de cartes fiévreuses et les impasses mexicaines, transposés dans le contexte du Space Opera. Alors que les épisodes VII et VIII s’efforçaient de retrouver l’équilibre parfait de la trilogie originale sans vraiment y parvenir, Ron Howard ne tente même pas le coup et se contente d’assurer le fan-service minimum : Star Wars est et a toujours été un divertissement de masse, personne ne prétend le contraire...mais il y a divertissement et divertissement, et le passage sous la coupe de Disney semble transformer des Blockbusters qui imposaient un ressenti persistant en simples produits de consommation courante, qui ne suscitent plus, et à grand peine, qu’un ressenti immédiat. J’ai écrit cette chronique deux semaines après avoir vu le film, et les souvenirs de ses scènes principales commencent déjà s’estomper dans ma mémoire. Le meilleur symptôme de cette “banalisation� grandissante du phénomène Star Wars s’incarne dans son personnage/acteur principal. Il faut immédiatement arrêter les comparaisons instinctives entre le classe et le charisme que dégageaient Harrison Ford et ceux de cette version juvénile. Il vaut même mieux ne plus y penser, se dire qu’il ne s’agit aucunement des aventures de Han Solo dans ses jeunes années mais de celles d’un quelconque petit margoulin anonyme des premières années de l’Empire qui, par la plus grande des coïncidences, est aussi devenu pote avec un Wookie. Une fois écartées les rumeurs peu flatteuses à son sujet, sans doute cet Alden Ehrenreich fait-il ce qu’il peut. Le problème est qu’il le fait dans le cadre restrictif de sa génération d’acteurs interchangeables, qui jouent tous dans des films interchangeables.