C'est du classique. Même pour André Téchiné, c'est du classique. C'est donc du classique de chez classique. Récit linéaire, distancié. Alors, me direz vous, pourquoi aller regarder au cinéma une histoire qu'on connait tous pas cœur, et depuis si longtemps! Combien de fois avons nous vu à la télévision cette Némésis, cette Renée Leroux enragée après celui que, des décennies durant, elle a voulu voir juger? Eh bien, parce que c'est un bon film, tout simplement.... excellemment interprété. Par Catherine Deneuve d'abord. Au fond, c'est la première fois qu'elle interprète une femme de son âge, sans vie sexuelle (certes, elle a déjà été sexagénaire au cinéma.... mais c'étaient toujours des sexagénaires avec un petit grain.) Là, sanglée des tailleurs façon Chanel, clinquants le soir et d'un lie de vin inexcusable le jour, fortement poitrinée, on la prendrait pour Line Renaud..... Pardonnez moi Catherine! Notre Tsarine est magnifique, comme d'habitude. Par Guillaume Canet, ensuite, qui a un rôle un peu plus lourd que ceux qu'il assume d'habitude -plus ambigu, plus antipathique- et s'en tire fort bien. Pour Adèle Haenel qui traduit bien le mal être de cette jeune femme qui, au fond, ne sait pas ce qu'elle veut. En révolte perpétuelle contre sa mère Il y a cependant quelque chose qui me gêne. Le scénariste, qui n'est autre que le frère d'Agnès, a gommé de l'histoire ses sœurs -et lui même. D'une certaine façon, on le comprend. Mais cela recentre l'intrigue sur une rivalité mère /fille unique, un couple très fort, alors que dans la réalité, il y avait la fratrie, et Jean Charles Leroux en particulier: quand une mère et une fille s'entendent mal, et qu'il y a un homme dans la famille, il joue forcément un rôle. Finalement, on s'écarte de la véritable affaire pour traiter d'un de ces désordres familiaux que Téchiné aime illustrer: une mère mondaine, très féminine, tout occupée de sa vie sociale -animer ce casino hérité de son mari. Une fille un peu garçon, sportive, passionnée par l'Afrique, qui s'est toujours crue négligée, mal aimée. On la met à la danse classique, on l'exhibe avec son joli tutu dans les réceptions familiales... la petite fille qui interprète Agnès enfant rend de façon saisissante le côté traqué, traqueur de cette gosse qui voudrait plutôt se cacher, être ailleurs, que jouer les singes savants. Sa mère ne s'en est pas rendu compte? Non. Agnès devenu femme veut toucher sa part d'héritage, non pas tant pour en faire quelque chose que pour exister indépendamment de sa mère. Mais Renée ne veut pas se dépouiller de cet argent qui lui permet de maintenir à flot un casino qui bat de l'aile. Finalement, un grand malaise enfantin va se résoudre en une sordide question d'argent. Le bellâtre, l'homme à femmes qui vit toujours en partie avec son ex et mère de son fils et a une maitresse officielle, va jouer sur du velours, après avoir tenté de circonvenir la mère, dont il est l'avocat, et dont il espère devenir le second, le directeur des jeux. Renée sait juger les hommes: elle a très bien évalué l'arrivisme de son protégé, alors il s'attaque à la fille, et là, c'est trop facile. Juste retour des choses: s'il a poussé Agnès à trahir sa mère, c'est son propre fils qui, trente ans plus tard, le trahira (malheureusement cette dernière partie, qui relate les récents procès, n'est pas à la hauteur du reste. C'est du niveau série TV Ce qui est certain, c'est que Renée a beaucoup aimé sa fille, à sa façon. A part la fin, c'est fin, c'est fouillé, c'est psychologiquement d'une grande justesse. Des couples mère /fille qui s'aiment mais sont incapables de se rencontrer sans se frotter, sans s'affronter, il y en a..... légion, et au fond c'est cela qui a intéressé le réalisateur -et qui nous intéresse. C'est la qualité Téchiné quoi!