Un film comme nous en avons vus des centaines, certes, mais qui peut se targuer de mettre en lumière quelques faits dérangeants, des faits qui s’adaptent fort bien, qui plus est, au format cinématographique. Michael Cuesta adapte un scénario de Peter Landesman, offre le rôle principal de son film engagé à un acteur en vogue, Jeremy Renner, et s’applique à donner une âme académique à son récit dénonciateur, librement adapté des évènements ayant concourus aux terribles révélations faites par le journaliste du San José Mercury News, Gary Webb. Historiquement intéressant, techniquement traditionnel, on retiendra surtout de Secret d’Etat, on préfère Kill the Messenger, sa détermination à n’épargner personne. Il semble alors que le scénariste et le metteur en scène soient décidés à faire la lumière la plus crue sur les implications des services de renseignements de l’Oncle Sam dans trafiquants de narcotiques en vue de sponsoriser, en quelque sorte, une guerre contre le communisme en Amérique Centrale.
Une fois encore, j’ai envie de dire, le citoyen lambda, ici journaliste quelconque d’une tribune quelconque, tombe un peu par hasard sur une révélation compromettante pour son pays, son gouvernement. Du coup, la CIA serait-elle impliquée dans la déferlante de Crack en Californie en marge des combats au Nicaragua? Faut-il que le public le sache? Faut-il mener un combat, une croisade, afin qu’éclate la vérité? En parlant de scandale, c’en est un. Oui mais voilà, l’Amérique n’est pas prête à lyncher son gouvernement protecteur. L’Amérique n’entend pas entendre la vérité vraie sans le déformer, la réinterprété. Bien vite, le culotté journaliste se retrouve à devoir sauver les meubles, seul et contre tous. Ou presque. On connaît l’histoire rien qu’à la lecture du pitch. Il s’agit donc pour le metteur en scène, son scénariste, de valoriser les évènements, de les rendre attractifs et poignants, histoire de captiver non pas par un quelconque suspens mais par un travail quasi-documentaire qui s’offre parfois des parenthèses fictionnelles.
Notons que l’un des intérêts de Secret d’ Etat est bel et bien la présence à la tête du casting de Jeremy Renner. L’acteur, d’ordinaire incarnant des personnages plutôt costauds, des personnages orientés vers l’action, endosse ici le costume d’un journaliste très terre-à-terre, personnage conventionnel finalement meurtri par les pouvoirs qui le dépassent allègrement. L’Amérique aime ce type de croisade personnelle, ce type de héros ne voulant que vérité et justice. Au cinéma, il devient alors aisé de faire du journaliste un homme à la morale des plus intègres, au sens du devoir parmi les plus justes qui soient. Ce type de rôle casse-gueule peut très vite dérailler et n’être qu’une caricature du personnage réel dont s’inspire le film. Jeremy Renner parvient toutefois à rendre le personnage de Gary Webb captivant, parfois par excès de colère, parfois par excès de désespoir. En somme, le comédien joue juste, discerne parfaitement les qualités et les défauts d’un tel personnage et offre une prestation naturelle très honorable.
Enième brûlot hollywoodien accablant l’administration américaine, Secret d’Etat n’est en aucun cas un film essentiel, comme peuvent l’être le Révélation de Michael Mann, dans un autre registre, le Trafic de Steven Soderbergh et j’en passe. Le film n’en demeure pas moins un thriller politique acceptable à l’heure des Blockbusters carnassiers, à l’heure des essais artistiques souvent bien éloigné du cinéma de notre jeunesse. Conventionnel, certes, mais intéressant, d’autant qu’on retrouve également au casting quelques trombines bien connues, notamment Andy Garcia et Ray Liotta. Si l’envie vous en prend, attardez-vous sans remords sur le film de Micheal Cuesta. 13/20