Ne vous faites pas un film, ceci est du théâtre. C’est écrit entre les lignes du scénario et la réalisation n’arrive pas ou n’essaie pas de s’en défaire. Dès lors, c’est forcément un film où l’action se passe dans les personnages et leurs dialogues. Ces bases posées, c’est donc bavard, surtout de la part du personnage de Denzel Washington. Mais ça n'est pas inutile, il doit et va ressortir de ces longues tirades le malaise que souhaitait installer August Wilson, l’auteur, dans cette famille noire américaine des années 50.
À ce titre, Denzel Washington au pire cabotine, au mieux livre une performance dont celle qui lui a valu l’oscar sur Training Day n’aurait pas à rougir. Au diapason, certes, d’une Viola Davis qui remplit avec élégance ce rôle de femme forte, occupée à vivre ces années délicates avec la chance qu’elle a d’avoir ce qu’elle a.
Il y a cependant quelque chose qui ne prend pas, ici. Est-ce au niveau de la réalisation, trop sage, trop anonyme, est-ce au niveau de la mise en scène, trop proche du texte au détriment, paradoxalement, des personnages ? Il manque ce petit quelque chose, cette étincelle qu’un Robert de Niro avait réussi à capter dans « Il était une fois le Bronx ». Il manque cette générosité qui révélait Denzel Washington comme conteur dans « Antwone Fisher ».
Du coup, même bons, même épatants, selon ce qu’on voudra en penser, les jeux de Denzel Washington et de Viola Davis nous laissent en surface d’une histoire qui aurait pu nous faire vibrer tellement plus. Pour ma part, s’il est un comédien à saluer dans cette oeuvre, un comédien qui m'a fait franchir la barrière de la fiction, c’est le jeune Jovan Adepo, extrêmement juste dans le rôle du deuxième fils. Si je devais revoir ce film, ce serait pour lui.